Non-prolifération, contrôle des armements et désarmement
Note de Karel De Gucht
5 février 2008

1. Face à la menace que représentent les armes de destruction massive, provenant aussi bien d'États que d'acteurs subétatiques, y compris les groupes terroristes, notre pays a fixé parmi ses priorités la formulation d'une réponse axée sur les résultats. La non-prolifération et le désarmement étant indissociablement liés, la Belgique poursuit une approche globale et vise une progression équilibrée dans ces deux domaines. Il convient à cet égard de prendre également en compte tous les éléments susceptibles d'engendrer des menaces de prolifération, plus particulièrement le contexte régional.

2. Notre pays se prononce résolument pour une approche multilatérale qui soit efficace, et qui apparaît comme le moyen le plus indiqué pour faire face à ces défis. Les positions communes de l'UE revêtent à cet égard un intérêt tout particulier dans la mesure où elles renforcent considérablement l'impact de notre position. J'en veux pour preuve la mise en place de la stratégie de l'UE en matière de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive qui est entrée dans sa phase opérationnelle et qui contribue très concrètement à une approche multilatérale plus large. Dans ce cadre, la poursuite de l'universalisation des conventions internationales concernées bénéficie d’une attention toute particulière. Chaque négociation de l'UE avec des pays tiers en vue de conclure un accord de coopération ou d'association est l'occasion d'introduire une clause essentielle relative à la non-prolifération des armes de destruction massive. Une manière d'appuyer la prise de conscience internationale de la nécessité de rechercher ensemble des solutions.

3. Réexaminée fin 2007, la Convention sur les Armes biologiques a fait l'objet de la part de l'UE d'une série de propositions communes en vue de la mise en place d'un suivi concret, s'agissant entre autres de l'implication des milieux industriels et scientifiques dans une politique de non propagation des connaissances ou des composants d’ armes biologiques.

4. La Convention sur l’Interdiction des Armes Chimiques, qui a célébré son dixième anniversaire en 2007, dispose au travers de l'OIAC d'un mécanisme de vérification de qualité. Notre pays qui fut le premier touché par les armes chimiques, poursuit ses efforts de promotion des objectifs de cette Convention. En 2007 mon Département a organisé un séminaire public et a soutenu d'autres événements de promotion.
La loi belge portant exécution de la Convention sur l'Interdiction des Armes Chimiques a été approuvée par le Parlement. La coopération avec les Régions y est également inscrite. Trois à quatre fois par an, la Belgique fait l'objet d'une inspection par l'OIAC.
Dans le cadre du Partenariat mondial du G8 contre la Prolifération des armes de destruction massive, la Belgique apporte son soutien financier notamment à un projet en Russie visant la destruction de stocks d'armes chimiques russes. Nous espérons par là contribuer à l'exécution par la Russie, dans les délais convenus, des engagements pris lors de la signature de la Convention sur l'Interdiction des Armes chimiques.

5. En tant que membre du Conseil de Sécurité, notre pays est également concerné de près par les dossiers les plus importants en matière de prolifération nucléaire.
L'UE joue un rôle très visible et très constructif dans le complexe dossier nucléaire iranien. La Belgique œuvre constamment pour le maintien d’une cohésion totale au sein de l’Union européenne. Nous promouvons également une approche consensuelle niveau du Conseil de Sécurité. Cette approche est d'autant plus indiquée, s'agissant de la phase la plus délicate du dossier de l'Iran, lorsque le débat ne porte plus seulement sur l'offre d'un dialogue, mais également l’adoption de mesures de sanction. Notre pays plaide pour une politique double :
- D'une part, nous appuyons la proposition d'une perspective sérieuse de coopération politique et économique avec l'Iran pour autant que ce pays satisfasse à une condition clairement définie apte à générer un climat de confiance, à savoir la suspension de ses activités d'enrichissement d'uranium jusqu'à ce que l'AIEA ait émis un jugement sur le caractère purement pacifique du programme nucléaire iranien.
- D'autre part, nous soutenons une intervention efficace du Conseil de Sécurité qui, par l'approbation de mesures de sanction, telles que prévues par la Charte des Nations unies, entend inciter l'Iran à coopérer avec la communauté internationale. La Belgique remplit son mandat à la présidence du Comité des sanctions à l'égard de l'Iran de manière irréprochable et scrupuleuse.

D'aucuns estiment que le rapport des services de renseignements américains publié récemment devrait donner lieu à une "décrispation"; la situation ne serait pas si grave car, depuis fin 2003, l'Iran aurait suspendu son programme nucléaire militaire. Une telle interprétation ne serait pas seulement naïve mais aussi contreproductive. Le rapport établit clairement que l’Iran aurait bel et bien développé un programme nucléaire et balistique militaire et que sa suspension est la conséquence directe de la crainte des sanctions internationales qu'entraînerait la poursuite du programme. J'en tirerai deux conclusions :

- Premièrement : l'Iran a toujours la possibilité de reprendre son programme militaire, certainement quand on sait que ce pays a pu garder secrètes ses avancées nucléaires durant deux décennies, tant vis-à-vis de l'AIEA que de la communauté internationale.
- Deuxièmement : l'Iran peut être influencé par une politique de sanctions. Certaines évolutions actuelles au niveau de la situation politique intérieure le confirment d'ailleurs. C'est également la raison pour laquelle je plaide constamment pour une politique double : des sanctions pour maintenir la pression, mais également une offre de dialogue qui soit une main tendue vers ceux qui, en Iran, souhaitent en finir avec la politique d'isolement et de provocation.

Je puis vous assurer que cette approche recueille l'assentiment de l'UE et de nombreux autres pays, en ce compris les Etats-Unis, la Russie et la Chine. Les Etats-Unis s'engagent expressément pour la reprise d'un dialogue au niveau politique élevé avec l'Iran moyennant la suspension de l'enrichissement nucléaire.

Malheureusement, l'AIEA reste aujourd'hui encore dans l'impossibilité d'offrir à la communauté internationale toutes les garanties nécessaires concernant le caractère purement pacifique des activités nucléaires iraniennes. Nous insistons fortement auprès de l'Iran pour qu'il collabore plus activement avec l'AIEA et autorise également des inspections sur la base du Protocole additionnel afin que l'Agence puisse se faire une image exacte des programmes nucléaires futurs de l'Iran. Je considère qu'il est également opportun que tous les Etats partagent les informations pertinentes dont ils disposent avec l'AIEA, tenant compte évidemment des besoins en matière de confidentialité et de protection des sources. Trop d'écarts subsistent entre les déclarations de l'Iran et les faits tels qu'ils sont constatés. Il est ainsi inconcevable que l'Iran souhaite procéder à l’enrichissement nucléaire en l’absence de tout programme nucléaire civil nécessitant pareilles activités d’enrichissement. L'unique centrale nucléaire existante à Bushehr est au demeurant approvisionnée en combustible nucléaire par la Russie. Les premières livraisons ont été effectuées récemment et Bushehr pourrait être opérationnelle dans le courant de 2008. Cette centrale est placée sous le contrôle total de l'AIEA, et le contrat avec la Russie prévoit de manière explicite que le combustible nucléaire utilisé sera ensuite renvoyé en Russie. Il s'agit là de l'énième preuve que nous ne nous opposons pas au principe d’un programme nucléaire civil en Iran et que nous ne mettons pas en cause le droit conféré par le TNP en la matière. Le problème se situe avant tout au niveau de l'élaboration clandestine d'un programme d'enrichissement, associé au développement de missiles pouvant porter des charges nucléaires. Nul n'ignore que l’uranium hautement enrichi constitue un composant essentiel d'une arme nucléaire. Cette constatation doublée des questions encore sans réponse sur d’éventuelles activités nucléaires à des fins militaires menées en Iran avant 2003, ne peut qu'engendrer notre inquiétude. L'Iran lui-même a tout intérêt à combler le déficit de confiance provoqué par son programme clandestin, et à prendre des mesures propres à restaurer la confiance. La suspension de l'enrichissement imposée par le Conseil de Sécurité reste dès lors incontournable, et les sanctions sont là pour appuyer le message.

6. Le Conseil des Nations unies a également joué un rôle crucial dans le dossier de la Corée du Nord et la Belgique a apporté son appui à cette démarche. Les essais de missiles et l'essai nucléaire effectués par la Corée du Nord en 2006, étaient inacceptables dans la mesure où ils menaçaient la stabilité dans la région et au-delà. La Belgique a soutenu l'intervention du Conseil de Sécurité destinée à encourager la Corée du Nord à collaborer en lui imposant des sanctions. Je salue les résultats substantiels entretemps enregistrés lors de Pourparlers à Six Pays. D'ici peu, l'installation nord-coréenne incriminée devrait être définitivement démantelée. Il appartient à l'AIEA de vérifier de manière approfondie l'engagement nord-coréen à revenir à un programme nucléaire purement pacifique. En mettant à la disposition de l’AIEA les fonds nécessaires pour les inspections en Corée du Nord, l'Union européenne émet un signal clair de son soutien et de son engagement vis-à-vis du processus de pacification de la péninsule coréenne. Nous exhortons la Corée du Nord à respecter de manière stricte tous les engagements pris, parmi lesquels la communication de toutes les informations disponibles sur le commerce clandestin de matières nucléaires et de missiles avec l'Iran. Le régime actuel de sanctions à l'encontre de la Corée du Nord prendra fin dès que toutes ces questions seront résolues. Le fait que le Conseil de Sécurité récompense la bonne conduite donnera un signal important qui ne manquera pas d’être noté aussi dans le contexte du dossier iranien.

7. L'essai nucléaire de la Corée du Nord nous a fait en outre prendre conscience de la nécessité de continuer à plaider pour la mise en œuvre rapide du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Notre pays soutient sans réserve l'universalisation de ce Traité, dont l’entrée en vigueur dépend de la ratification par plusieurs pays, parmi lesquels la Chine, l'Inde, le Pakistan et les Etats-Unis. Les démarches communes que nous entreprenons régulièrement avec l'Union européenne poursuivent cet objectif. Je salue la ratification récemment faite par la Colombie, ce qui ramène à neuf le nombre de ratifications requises pour l’entrée en vigueur du Traité. Dans l'attente de la mise en œuvre du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, nous réclamons le respect d’un moratoire sur les essais d’explosions d'armes nucléaires.

8. Le Traité de non-prolifération demeure la clef de voûte de notre politique de non-prolifération. La dernière Conférence d'examen du TNP qui s'est tenue en 2005 n'a malheureusement dégagé aucune avancée, et nous nous trouvons actuellement dans un nouveau cycle de conférences de suivi du TNP. Tout comme par le passé, nous continuons à défendre une approche intégrée, qui englobe également les volets désarmement et coopération nucléaire internationale.

9. La Belgique continue à promouvoir activement le calendrier de désarmement nucléaire, en menant entre autres des concertations intensives avec plusieurs pays de notre Alliance qui partagent les mêmes préoccupations en la matière.

1. Je renvoie à la lecture d'un document de travail circonstancié que la Belgique a soumis en 2005 lors de la Conférence d'examen du traité de non-prolifération, conjointement avec les Pays-Bas et la Norvège et qui a reçu le soutien de l'Espagne, de la Pologne, de la Lituanie et de la Turquie, tous membres de l’Alliance atlantique. Dans ce document, il est établi explicitement que la poursuite de la réduction – et à terme l'élimination complète – des armes nucléaires non stratégiques font intégralement partie du processus de désarmement nucléaire, dans lequel l'ensemble des États dotés d'armes nucléaires se sont engagés de manière irréversible dans le cadre du Traité de non-prolifération. Nous appelons la Fédération de Russie et les Etats-Unis à poursuivre la mise en œuvre des réductions unilatérales de ces arsenaux déjà annoncées antérieurement, et à les codifier graduellement et en temps utile, sans oublier les mesures de vérification nécessaires. Il va de soi que la Belgique suivra de très près l'évolution de cette question, ainsi que son impact sur l'évaluation au sein de l'OTAN de l'opportunité et du calendrier d’une décision consensuelle en matière de nouvelles réductions des armes nucléaires non stratégiques à la disposition de l’OTAN.

2. Je souhaite également rappeler que la stratégie de l'OTAN, axée sur le maintien de la paix et la prévention des conflits, vise à restreindre radicalement la dépendance vis-à-vis des armes nucléaires ainsi que leur rôle. L'objectif fondamental de la capacité résiduelle nucléaire tactique de l'OTAN est purement politique. Nous souhaitons partager cette approche avec la Fédération de Russie. Dans le cadre du Conseil OTAN-Russie, nous avons proposé plusieurs mesures concrètes aptes à générer un climat de confiance, parmi lesquelles l'échange d'informations sur les arsenaux nucléaires non stratégiques. Il est capital que nous impliquions pleinement notre partenaire russe dans une politique de réduction et, à terme, d'élimination de ce type d'armes. Notre politique repose sur la réciprocité et sur le maintien d'un équilibre rationnel.

3. Outre les armes nucléaires tactiques, les missiles à portée intermédiaire et les armes nucléaires stratégiques font également partie de nos préoccupations. Le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire de 1987 a éliminé les missiles nucléaires d’une portée allant jusqu'à 5.500 km. Aujourd'hui, la Russie propose de remplacer ce Traité par un Traité international sur les missiles à portée intermédiaire. Or, nous n'avons aucune garantie de la participation à ce Traité d’autres pays concernés, comme l'Inde ou le Pakistan. Il va de soi que dans l'intervalle, le Traité FNI doit être intégralement respecté par les Etats-Unis et la Russie. S'agissant des armes nucléaires stratégiques, la dernière étape essentielle a été franchie en 2002 à l'occasion de la signature du Traité sur la Réduction des Armements stratégiques ou Traité de Moscou. La mise en œuvre du Traité se poursuit selon le calendrier convenu (réductions d’ici 2012).

4. Dans le domaine de la Défense antimissile, je renvoie à la Déclaration de la Réunion ministérielle du Conseil OTAN-Russie du 7 décembre dernier. L'Alliance poursuit l’examen de la question qui s'attache également aux conséquences pour l'OTAN du déploiement prévu en Europe par les Etats-Unis d’éléments de défense antimissile ainsi qu'aux développements en matière de menaces balistiques. L’étude est en cours et l’état de son avancement devrait être présenté au sommet OTAN en avril 2008. Nous maintenons notre attachement aux consultations sur la Défense antimissile au sein du Conseil OTAN-Russie, au sein desquelles une approche basée sur la coopération devrait être privilégiée.
5. Je terminerai en mentionnant également que notre pays, aux côtés d’autres partenaires, en particulier l'Allemagne et la Norvège, s'investit considérablement en vue de l'établissement d'un profil actif de l’OTAN en matière de désarmement, de contrôle des armements et de non-prolifération. Nous recherchons activement comment l'Alliance peut collaborer avec les autres enceintes internationales. Les premiers résultats de ce projet sont atendus pour le Sommet OTAN en avril 2008.


10. Toutefois, comme vous le savez, l’OTAN ne détient pas le monopole sur les questions d’armement et de désarmement nucléaires. La Conférence sur le désarmement à Genève demeure donc un forum essentiel pour la mise en œuvre d’une approche globale et intégrée.
Notre pays y prône le lancement rapide et inconditionnel de négociations en vue de la conclusion d’un Traité interdisant la production de matières fissiles (Fissile Material Cut-Off Treaty).
En ce qui concerne l’ordre du jour de la Conférence sur le désarmement à Genève, la flexibilité doit être le maître-mot car elle permettra de donner enfin une nouvelle impulsion à ce forum. Nous sommes d’avis qu’un agenda équilibré doit inclure non seulement la négociation du traité sur les matières fissiles mais également la question de l’utilisation pacifique de l’espace. L'essai de destruction d’un satellite dans l’espace par la Chine en janvier 2007 a révélé que les capacités existent bel et bien et que, partant, les risques d’une confrontation militaire dans l’espace ne sont pas inexistants.
Enfin, nous sommes également ouverts à l’examen de nouveaux thèmes et défis qui se présentent en matière de désarmement. La Conférence sur le désarmement pourrait créer un sous-comité ad hoc à cet effet.


11. Une attention particulière doit également être portée à la prévention du terrorisme nucléaire : des mesures appropriées doivent être prises dans le domaine de la protection physique du matériel et des installations nucléaires conformément aux obligations et aux normes de l’AIEA. En 2007, la Belgique s’est ralliée à l’Initiative globale de lutte contre le terrorisme nucléaire. Durant les réunions organisées dans le cadre de cette Initiative, les experts nationaux procèdent à des échanges d’expérience et tentent d’élaborer une réponse coordonnée en collaboration avec l’AIEA. Des enseignements sont tirés des incidents de trafic de matériel nucléaire qui continuent en effet d’être observés. Même s’il ne s’agit pas de trafics d’armes nucléaires – lesquels font l’objet de procédures de surveillance strictes – le risque est pourtant bien réel que des groupes terroristes tentent d’entrer en possession de matériel nucléaire pour fabriquer une bombe dite sale dont les radiations, même légères, pourraient être source de chaos et de désorganisation. Réagir sans tarder et de manière adéquate à toute forme de trafic illicite nucléaire s’avère dès lors impératif.

12. Notre pays se montre par ailleurs attentif aux aspects de flexibilité et d’innovation que nous estimons indispensables pour garantir la pertinence des cadres multilatéraux existants et pour apporter en temps opportun une réponse efficace aux nouveaux défis.

Cette conviction implique notamment que nous maintiendrons notre participation aux nouvelles initiatives en matière de non-prolifération, telles que l’Initiative de Sécurité contre la Prolifération et le Partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive. Le Code de conduite de La Haye contre la prolifération des missiles balistiques contient quant à lui un certain nombre de mesures de confiance qui visent à accroître la transparence au niveau international et à inciter les États à une approche "retenue".
Dans le même temps, les régimes internationaux de contrôle des exportations, tels que le Groupe de fournisseurs nucléaires (NSG), le Régime de Contrôle de la Technologie des Missiles (MTCR) et le Groupe d’Australie, sont en train de gagner en importance. En témoigne par exemple le fait que les résolutions du Conseil de Sécurité prévoyant des sanctions contre la Corée du Nord et l’Iran se sont précisément fondées sur les listes établies dans le cadre du Groupe de fournisseurs nucléaires et du Régime de Contrôle de la Technologie des missiles pour prononcer l’embargo sur les produits d’exportation sensibles. Ces régimes sont en outre particulièrement utiles pour les échanges d’informations concernant les pratiques d’importation et les utilisateurs finaux suspects.

En adoptant la Résolution 1540, le Conseil de Sécurité des Nations unies a souligné la nécessité d’un contrôle efficace des exportations de matériel pouvant servir à la fabrication d’armes de destruction massive. Tous les États membres doivent assumer leurs responsabilités en la matière. Aussi les risques liés aux acteurs non étatiques et aux réseaux de prolifération sont particulièrement mis en avant. Diverses initiatives, comme l’Initiative de Sécurité contre la Prolifération, permettent une collaboration concrète sur le terrain. Notre pays établit des rapports circonstanciés sur sa législation et son organisation administrative à l’intention du Comité 1540 du Conseil de Sécurité. Au niveau de l’UE, la Belgique apporte son soutien à divers projets de contrôle des exportations dans les pays tiers.

13. Les évolutions planétaires en termes démographiques, économiques et écologiques ont de plus en plus de répercussions sur la politique de non-prolifération. L’AIEA attire notre attention particulière sur l'utilisation croissante de l’énergie nucléaire. Permettez-moi de vous présenter deux cas où les interactions entre cette tendance et la problématique de la non-prolifération apparaissent clairement.

1. Comment devons-nous répondre aux demandes de coopération nucléaire émanant de pays qui n’ont pas signé le Traité de non-prolifération? Cette question se pose aujourd’hui concrètement dans le cas de l’Inde. Il convient d'une part de prendre en compte les énormes besoins énergétiques de l’Inde de la manière la plus adéquate possible au niveau international en s'assurant, d'autre part, que le TNP ne soit pas dévalué. Selon le Dr El Baradei de l’AIEA, ces éléments ne sont pas incompatibles : l’accord entre les Etats-Unis et l’Inde constitue selon lui un progrès sur le plan du contrôle international des activités nucléaires en Inde, précisément l’un des objectifs majeurs du TNP. Au sein du Groupe de fournisseurs nucléaires (NSG), les Etats-Unis ont exposé de manière détaillée leur accord conclu avec l’Inde, ce qui a d’ores et déjà permis d'identifier les domaines spécifique dans lesquels des progrès sont attendus. Par exemple, nous considérons comme allant de soi que la coopération nucléaire avec l’Inde serait interrompue si ce pays envisageait de procéder à un nouvel essai nucléaire. Il serait exclu d’exporter vers l’Inde des matières nucléaires sensibles et des équipements destinés aux activités d’enrichissement et de retraitement. Par ailleurs, les livraisons seront limitées aux seules installations indiennes soumises aux procédures de vérification de l’AIEA. A cet effet, il est essentiel que l’Inde prenne les engagements juridiques nécessaires vis-à-vis de l’AIEA. J’affirme ici sans détour que le Groupe de fournisseurs nucléaires ne prendra aucune décision allant dans le sens d’un assouplissement des règles d’exportation pour l’Inde tant que ce pays n'aura pas conclu un Accord de garanties en bonne et due forme avec l’AIEA. Lors de la dernière concertation au sein de ce Groupe, la totalité des membres se sont ralliés à cette exigence.

2. Un deuxième exemple d’interaction entre les évolutions dans le domaine nucléaire et la problématique de la non-prolifération consiste en la prise de conscience des risques encourus à laisser les technologies et la capacité d’enrichissement se développer sans frein. Il existe une zone grise entre la production d’uranium hautement enrichi à des fins militaires et l’enrichissement destiné à répondre à des besoins purement industriels : elle peut donner lieu à certains malentendus quant aux véritables intentions, à coup sûr dans les cas où le contrôle international ne se déroule pas de manière optimale. C’est la raison pour laquelle un assez grand nombre de pays et de personnalités, comme le Directeur général de l’AIEA, prônent une approche multilatérale du cycle de combustible nucléaire qui garantirait la fourniture d’uranium enrichi aux pays ayant des besoins avérés, par exemple pour l’alimentation de leurs centrales nucléaires. Un mécanisme similaire existe déjà au sein de l’Euratom. La question est de savoir comment convaincre les pays de renoncer à développer leur propre capacité d’enrichissement – ce qui comporte en effet un risque en matière de prolifération – en échange de garanties crédibles d’accès à une banque multilatérale de combustible nucléaire fourni aux conditions du marché. Le moment est venu de mener ce débat complexe en toute transparence et en prenant en considération les droits et les obligations contenus dans le Traité de non prolifération. Il ne peut aucunement être question de refuser à certains pays le droit de développer leur cycle du combustible nucléaire mais bien de les convaincre, au moyen d’arguments tant économiques que liés à l’objectif de non-prolifération, qu’il pourrait être plus intéressant d’envisager un système de sous-traitance. Dans le contexte du dossier iranien, il est évident qu’il faudra consacrer à ce débat le temps nécessaire. En effet, l’Iran n’est pas réceptif aux diverses suggestions avancées dans le sens d’un enrichissement nucléaire en dehors de son territoire.

S’agissant du Traité de non-prolifération, nul ne pouvait prévoir certains de ces nouveaux développements. Il importe dès lors d’utiliser de la manière la plus rigoureuse et la plus engagée qui soit le processus de suivi du TNP. La prochaine grande échéance s’annonce pour 2010. Cette conférence d’évaluation nécessitera une préparation minutieuse. La Belgique s’y est engagée dans plusieurs enceintes compétentes.


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14. La menace représentée par les armes de destruction massive ne peut nous faire oublier qu’il reste d’importants défis à relever dans le domaine de la sécurité humaine. Tant durant les conflits conventionnels que dans la période post-conflit, il convient de préserver la sécurité individuelle des citoyens, les victimes les plus nombreuses se comptant le plus souvent dans les rangs des personnes les plus vulnérables.

15. Notre pays continue à montrer la voie dans la réalisation des objectifs de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel. Au moyen d’investissements ciblés, avoisinant chaque année les 6 millions d’euros, nous contribuons de manière concrète à la mise en place de solutions. En mai 2007, nous avons organisé une conférence internationale afin d’attirer l’attention du public sur le dixième anniversaire du processus d’Ottawa. La Belgique continue d’œuvrer de manière responsable dans le cadre du processus de suivi de la Convention d’Ottawa, notamment au niveau de la coordination des rapports sur le respect de la Convention et depuis cette année, également dans sa fonction de co-rapporteur dans le domaine de l’assistance aux victimes des mines antipersonnel.

16. Dans le cadre de la lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre, notre démarche est guidée par les mêmes principes. La Belgique soutient activement l’initiative visant à mettre au point un traité sur le contrôle des transferts internationaux d’armes de ce type (le "Arms Trade Treaty"). Les critères déjà applicables dans cette matière au sein de l’UE devraient devenir universels afin que l’accumulation déstabilisatrice de ces armes dans les zones de conflits puisse être jugulée. Notre pays est partisan d’un processus graduel mais continu jusqu’à son aboutissement à terme sous la forme d’une Convention des Nations unies. Un autre volet de cette même problématique qui retient également notre attention est la poursuite de la mise en œuvre du Plan d’action des Nations unies contre le commerce illicite des armes légères et de petit calibre. Sous la Présidence belge, le Conseil de Sécurité a adopté en juin 2007 une déclaration de la Présidence sur le commerce illicite des armes, qui appelle notamment à un strict respect des embargos existants.

17. Le rôle joué par le commerce illicite des armes dans la menace terroriste exige un examen approfondi. L’Arrangement de Wassenaar pointe le risque d’utilisation par des terroristes des systèmes antiaériens portables MANPADS (systèmes de missiles pouvant être tirés à l’épaule) et la vigilance est par conséquent demandée. Permettez-moi d’ajouter que lors de la récente réunion plénière des États membres de l’Arrangement de Wassenaar, qui s’est tenue sous présidence belge, un plan de lutte contre les transports aériens illicites d’armes de petit calibre a été approuvé, ce qui constitue une première. Dès 2006, j’avais lancé un appel en ce sens en tant que Président en exercice de l’OSCE et je me réjouis de constater que cette question reçoit à présent toute l’attention internationale qu’elle mérite.

18. Je terminerai en évoquant mon engagement personnel à inscrire la problématique des armes à sous-munitions au premier rang de l'agenda international. En février 2007, dans cette même enceinte, j’avais annoncé l’organisation par notre pays, dans le cadre du processus d’Oslo, d’une conférence internationale visant à obtenir l’interdiction des armes à sous-munitions. Cette conférence s’est tenue à Bruxelles fin octobre 2007 et a réuni 46 pays européens participants, et des observateurs en provenance des Etats-Unis, de la Russie et du Canada. Une dizaine d’organisations internationales tant gouvernementales que non gouvernementales étaient également représentées. J’attache une grande importance au fait qu’à notre demande, la totalité des États membres de l’UE ont participé pour la première fois à une réunion dans le cadre du processus d’Oslo. Nous avons ainsi réussi à renforcer le profil de l’Union. Sur le plan du contenu, la Conférence de Bruxelles a permis une meilleure évaluation des possibilités et des impératifs en matière de destruction des stocks interdits d’armes à sous-munitions ainsi que des besoins en matière d’assistance aux victimes, deux volets essentiels d’une future Convention. Au cours de la Conférence internationale sur les armes à sous-munitions organisée à Vienne au début du mois de décembre, la Belgique a présenté les résultats de la Conférence de Bruxelles. Les réactions ont été très positives. Le processus d’Oslo entre désormais dans la phase de négociation proprement dite, et notre pays a contribué très concrètement à cette avancée. L’objectif que nous poursuivons est de pouvoir présenter d’ici fin 2008 une convention qui bénéficie de l’adhésion internationale la plus large et qui traduise le plus exactement possible notre volonté de mettre en place une interdiction complète de ces armes à sous-munitions qui causent des souffrances humaines inacceptables.