La libération de Mordechai Vanunu vue par la presse francophone
Pierre Piérart
26 juin 2004

Pendant les 18 ans qu’a duré le calvaire de Mordechai Vanunu, la presse francophone n’en a pas parlé. C’est la raison pour laquelle Mordechai Vanunu n’est pas connu du public. Il a été kidnappé à Rome par les services secrets israéliens pour avoir révélé au « Sunday Times » l’existence d’un arsenal nucléaire de l’Etat hébreux. Cela lui a coûté 18 années d’emprisonnement, dont 12 avec mise au secret.

La série d’articles publiés par la presse francophone à l’occasion de sa libération, le 21 avril 2004, nous donne une version plus ou moins édulcorée et incomplète de la question. Nous nous limiterons dans ce message à rappeler quelques oublis qui pourraient nous faire croire à une libération respectueuse du droit international. En voici une très brève énumération :

  1. Ce n’est pas une libération puisque Vanunu est assigné à résidence surveillée avec contrôle du courrier, interdiction de se rendre dans les ambassades et autres contraintes reprises dans les articles de la presse..
  2. Il faut rappeler que Mordechai Vanunu a été engagé à la centrale de Dimona dans le désert du Néguef au moment où l’Etat d’Israël prétendait vouloir produire, à partir de la fission nucléaire, de l’électricité et de l’eau douce pour la culture de divers types de plantes.
  3. Pas un mot n’est dit de la collaboration, en matière nucléaire, entre la France et Israël (sous l’œil bienveillant des Etats Unis) avant l’arrivée de de Gaulle au pouvoir. Shimon Peres, le père de la bombe atomique israélienne, disposait même de bureaux à Paris avec une équipe importante d’ingénieurs pour collaborer aux plans de cette bombe franco-israélienne. Plusieurs centaines d’ingénieurs et de techniciens français ont participé à la construction de la centrale de Dimona.
  4. Suite à une conversation téléphonique entre Shimon Peres et Madame Thatcher, cette dernière a autorisé les services secrets israéliens à surveiller discrètement Vanunu, venu à Londres suite à une invitation du « Sunday Times » pour les informer de la question. Le pays de Sa Gracieuse Majesté a donc favorisé la première phase du kidnapping en autorisant un agent féminin des services secrets israéliens, d’attirer à Rome le technicien de Dimona.
  5. Mordechai Vanunu n’a pas touché un penny pour les renseignements fournis au Sunday Times (déclaration publiée par un journaliste de ce journal.).
  6. Amené à Rome dans un avion de British Airways (30.09.1986), l’intéressé a été enlevé, drogué et conduit par bateau en Israël.
  7. Vanunu a été condamné à huis clos par la justice israélienne qui lui a infligé une peine inhumaine (18 ans avec 12 années de mise au secret !!) et en faisant fi de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme dont l’article 9 stipule que « Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé » alors que Vanunu a été pris en filature à Londres et enlevé arbitrairement à Rome le 30 septembre 1986.
  8. L’article 10 déclare que « Toute personne a droit, en toute légalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle » alors que Mordechai Vanunu a été scandaleusement diffamé par la presse israélienne qui l’a traité d’anti-juif, de communiste et d’homosexuel. Son avocat plaidera la clémence en déclarant que Vanunu a agi pour des raisons idéologiques. L’appel en sa faveur signé par 20 scientifiques dont 12 prix Nobel n’aura aucun effet. L’enlèvement arbitraire à l’étranger met en question la légalité du jugement.
  9. La mise en liberté proclamée par la presse est des plus douteuses puisque Mordechai Vanunu sera surveillé pendant des périodes d’un an renouvelables.
  10. Répétons que cette libération est des plus fictives et que par conséquent il y a peu de chances de voir Mordechai Vanunu rejoindre ses parents adoptifs américains si l’opinion et la presse internationales ne se réveillent pas.

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