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Grand Moyen-Orient, Otan, menaces americaines et pressions turques

Bahar Kimyongür
8 avril 2012

Malgré les troubles et les difficultés économiques quotidiennes, le peuple syrien, dans sa majorité, semble toujours aussi décidé à ne pas céder aux chants des sirènes outre-Atlantique. Le 12 octobre 2011, soit plus de 7 mois après le début des pre-miers rassemblements contre le régime, près d’un million de personnes ont encore manifesté à Damas en soutien à Bachar Al Assad. « La mobilisation de mercredi a dépassé de loin celle de l’opposition qui manifeste presque chaque jour » reconnaît, contrarié, un correspondant de l’Associated Press. Ce pied de nez fondamental n’est pas sans agacer Paris, Londres, Tel-Aviv et Washington. Désormais, bien que l’appui de l’OTAN à la rébellion anti-kadhafiste ait coûté la vie à plus de 50.000 per-sonnes, et provoqué l’exode de milliers de Libyens et d’émigrés africains, une intervention militaire étrangère sous-traitée à des indigènes comme les collabos du CNT semble définitivement gagner les faveurs des stratèges américains pour la Syrie. En effet, Jeffrey Feltman, secrétaire d’Etat adjoint chargé du Proche-Orient a appelé l’opposition syrienne à se réunir à Istan-bul pour discuter les modalités de création d’un Conseil National de Transition syrien. Cette réunion a eu lieu le 15 septembre à l’endroit prévu mais la presse occidentale s’est bien gardée d’afficher le parrainage américain de la réunion d’Istanbul, fai-sant des Etats-Unis un lointain observateur qui salue l’initiative a posteriori.

Même s’il ne s’agit pour l’instant que de causeries on connaît suffisamment la manière à laquelle procèdent les Etats-Unis et leurs alliés européens pour liquider leurs ennemis : résolutions de l’ONU taillées sur mesure, sanctions économiques, reconnaissance d’une opposition politique aux ordres, armement de son bras militaire etc . Kadhafi renversé, le tour est venu à Bachar de quitter la chasse gardée de l’Oncle Sam. Et qui est donc le garde-chasse de sa chasse gardée ? C’est le premier ministre turc et grand parrain des réunions d’opposants syriens Recep Erdogan en personne. (..)

Le journaliste turc Mehmet Ali Güler a relevé de février 2004 au mois d’août 2010 pas moins de 32 aveux du premier ministre à propos de la mission assumée par la Turquie dans le nouveau projet américain de domination des pays arabo-musulmans. Basé sur le principe de la création d’un arc sunnite chapeauté par la Turquie, cette stratégie vise à neutraliser les turbulences chiites d’Iran, d’Irak, du Liban et de leur allié syrien. Justement, d’après une source diplomatique européenne qui a requis l’anonymat, durant l’été 2011, le Premier ministre Erdogan aurait proposé que Bachar El Assad offrît quatre grands ministères aux Frères Musulmans en échange d’un engagement turc à mettre un terme aux troubles qui secouent la Syrie. C’est le rejet de cette proposition par Damas qui aurait précipité la rupture entre les deux pays. Bachar El Assad n’a donc pas tort de se méfier du rôle, d’abord ambigu et aujourd’hui clairement hostile joué par la Turquie à son égard.

Plus proche de nous, la déclaration du patron de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen, n’est pas des plus rassurantes : « en Syrie, comme en Libye et partout en Afrique du Nord et au Moyen Orient, il faut développer la liberté et la démocratie ». Là encore, curieusement, l’Afrique du Nord et le Moyen Orient sont cités conjointement comme si le manque de liberté et de démocratie n’existait que dans ces deux régions. Comme si finalement, ces deux subcontinents ne faisaient qu’un. Comme si, dans leurs QG, Rasmussen et les néoconservateurs américains consultaient la même carte d’état-major. Comme s’ils voyaient le monde de la même fenêtre. Le rêve de « Syriana » bientôt à portée de main ? On n’en est plus à une guerre près avec l’OTAN. Rien d’étonnant après tout, puisque c’est sa seule raison d’être.

Bahar Kimyongür
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