| imprimer  La Macédoine dans l'escarcelle de l'OTAN Georges Berghezan1 octobre 2001
 Après la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo, la Macédoine 
  fait à son tour lobjet dune mission de « maintien de 
  la paix » dirigée par lOTAN. Mais au lieu des bombardements 
  des années 90, ce sont dintenses pressions diplomatiques, 
  militaires et économiques qui ont permis de vaincre les réticences 
  du gouvernement de Skopje face à ce qui lui apparaît comme un premier 
  pas vers une division du pays. Premier acte : depuis février, les territoires macédoniens peuplés 
  en majorité dAlbanais tombent les uns après les autres sous 
  la coupe dinsurgés se réclamant dune « Armée 
  de libération nationale », dont les initiales en albanais - UCK 
  - sont identiques à celles de lArmée de libération 
  du Kosovo, officiellement dissoute depuis deux ans. Dans le sud de la Serbie, 
  à proximité du Kosovo et de la Macédoine, les actions armées 
  dune autre excroissance de lUCK avaient débuté peu 
  après les bombardements de lOTAN et sétaient même 
  intensifiées après le renversement de Milosevic. En Serbie, ce 
  conflit semble avoir trouvé - au moins provisoirement - une forme de 
  solution, en collaboration avec lOTAN, dont les soldats de la KFOR, et 
  plus précisément les troupes américaines, sont déployés 
  dans la partie du Kosovo attenante. En Macédoine, en revanche, la situation 
  a continué à empirer jusquau milieu de lété. Ainsi, fin juin, lUCK sempare dAracinovo, un faubourg de 
  la capitale Skopje. Mise en mauvaise posture par une lourde offensive de larmée 
  et de la police, lUCK manifeste des signes de reddition. Cest à 
  ce moment que lOTAN impose un cessez-le-feu et que des troupes américaines, 
  appartenant en principe au contingent de la KFOR, extirpent les rebelles de 
  leur mauvais pas. Les nombreux Kosovars présents parmi eux sont héliportés 
  dans leur province natale et des camions américains transportent les 
  armes des insurgés vers un autre de leurs fiefs, mieux protégé. 
  Le plus étonnant dans cette histoire est que parmi les centaines de combattants 
  « exfiltrés » se trouvent 17 citoyens américains qui, 
  bien quayant revêtu des tenues civiles, font très probablement 
  office dinstructeurs de lUCK. Cette information en recoupe de nombreuses 
  autres faisant état de liaison constante entre les rebelles et le Pentagone, 
  darmes ultramodernes « made in USA » aux mains des insurgés, 
  de transmission de vidéocassettes des positions macédoniennes, 
  voire de livraisons militaires par les troupes US au Kosovo à lUCK 
  macédonienne. Bref, il semble que les liens étroits noués 
  en 1998 avec lUCK kosovare sous prétexte de lutte contre le régime 
  de Milosevic se sont non seulement poursuivis après lentrée 
  des troupes de lOTAN au Kosovo et le renversement de Milosevic, mais quils 
  se sont même étendus à la branche macédonienne de 
  lUCK, en lutte contre un régime décrit depuis dix ans comme 
  une « oasis multiethnique dans lenfer balkanique » et, en 
  outre, devenu un pion particulièrement docile de la stratégie 
  de lOTAN dans la région. Deuxième acte : le 13 août, les principaux partis politiques signent 
  un accord négocié par les envoyés de lUnion européenne 
  et des États-Unis et prévoyant le désarmement de la rébellion 
  en échange de réformes constitutionnelles devant mettre la minorité 
  albanophone (environ le quart dune population de 2 millions) sur pied 
  dégalité avec la majorité slave macédonienne. 
  Et pour désarmer lUCK, cest tout naturellement lOTAN 
  qui simpose. En un mois, ce sont près de 4000 armes qui sont remises 
  aux 4500 hommes assignés à la mission « Récolte essentielle 
  ». Mais personne nest dupe, à commencer par le commandant 
  suprême des forces de l'OTAN en Europe, le général Joseph 
  Ralston qui déclare au début de lopération quil 
  ne faut pas sattendre à ce que lUCK rende toutes ses armes. 
  Selon les autorités de Skopje, seules 5 % des armes auraient été 
  récoltées. De toute façon, avec les robinets du trafic 
  darmes grand ouverts dans les Balkans et les moyens importants de la mafia 
  albanaise, principal sponsor de lUCK, un éventuel réarmement 
  pourrait être achevé en quelques mois. Cette première mission de lOTAN en Macédoine nest 
  cependant pas la première présence permanente de soldats de lAlliance. 
  En effet, depuis près de trois ans, des milliers de soldats de lOTAN 
  sont présents en Macédoine, dabord au sein dune pseudo 
  « force dextraction » dobservateurs internationaux au 
  Kosovo, et depuis juin 99 au service de la KFOR (Kosovo FORce), assurant 
  lessentiel des aspects logistiques de la mission, dont un transit incessant 
  avec le port grec de Salonique Troisième acte : lOTAN prolonge indéfiniment sa présence 
  en Macédoine. Malgré les vives objections des ministres et de 
  lopinion publique slaves du pays, lAlliance atlantique impose le 
  déploiement dune nouvelle mission, du doux nom de « Renard 
  Ambré », sous prétexte de protection dobservateurs 
  de lOSCE et de lUE. Renouvelable tous les trois mois, cette mission 
  ne compte quun millier dhommes, en majorité allemands et 
  sans soldat américain. Notons que le gouvernement macédonien aurait 
  plus facilement accepté une unité militaire sous commandement 
  de lUE et que François Léotard, envoyé de cette dernière 
  à Skopje, en a défendu le principe. La proposition a été 
  finalement rejetée par les ministres européens, arguant de limpréparation 
  de leur fameuse force dintervention (au moins 60.000 hommes dici 
  2003), même pour un « galop dessai » macédonien. 
  En fait, les ministres ont sans doute estimé que lévocation 
  de la puissance de lOTAN serait mieux à même de faire face 
  à la menace déventuels éléments incontrôlés 
  de lUCK. Pendant ce temps, le parlement a approuvé « en principe » 
  les changements constitutionnels et doit encore les entériner. Mais de 
  nombreux députés traînent des pieds et souhaitent présenter 
  des amendements, à la fureur des Occidentaux et des Albanais, exigeant 
  une approbation « en bloc » des réformes. Des patrouilles 
  de police, composées à parité dAlbanais et de Slaves 
  et encadrées par des soldats de lOTAN et des observateurs UE et 
  OSCE, ont tenté de patrouiller dans des villages jugés « 
  à bas risque » en zone rebelle. Quelques heures après le 
  départ de la patrouille, une explosion détruisait le commissariat 
  de police du principal village visité. Lattaque nétait 
  pas revendiquée par lUCK, officiellement dissoute au terme de son 
  « désarmement », mais par une « Armée nationale 
  albanaise » fraîchement créée et également 
  active dans le sud de la Serbie. Lavenir de la Macédoine paraît des plus incertains. Les 
  pressions occidentales ont été intenses pour obtenir des concessions 
  des ministres slaves macédoniens : promesse dune « conférence 
  des donateurs », déjà reportée, ordre donné 
  à lUkraine et autres fournisseurs de cesser leurs livraisons darmes 
  à Skopje, menaces dans le style « cest notre plan ou la guerre 
  totale », etc. La majorité de lopinion comprend mal quune 
  agression, accompagnée de « nettoyage ethnique », soit récompensée 
  par loctroi de nouveaux droits, comme laccession de lalbanais 
  au statut de langue officielle. Elle se sent victime du chaos régnant 
  au Kosovo depuis larrivée de troupes de lOTAN et accuse en 
  particulier les États-Unis de soutenir des « terroristes » 
  auxquels ils déclarent la guerre sous dautres cieux.  Enfin, il nest pas inutile de relever que les deux membres les plus influents 
  de lAlliance atlantique semblent suivre des stratégies divergentes. 
  Si lon se demande où réside lintérêt 
  américain à soutenir une milice menaçant lunité 
  dun pays nayant jamais désobéi aux injonctions occidentales, 
  lautre sujet détonnement provient de lattitude de lAllemagne. 
  Berlin paraît en effet avoir rompu son alliance avec lUCK, une alliance 
  remontant à lorigine même de cette formation, que les services 
  secrets allemands ont activement soutenue. Ainsi, en mars dernier, en Macédoine, 
  les soldats allemands de la KFOR ont été pris pour cible par les 
  rebelles albanais et forcés dévacuer leur base. Une telle 
  rupture demande encore confirmation, et que lon en mesure ses implications 
  pour la nouvelle mission de lOTAN, sous commandement allemand. Mais ce 
  ne serait pas la première fois que, dans les Balkans, des soupçons 
  de rivalité troublent la franche coopération américano-allemande
 Georges Berghezan Autres textes de Georges Berghezan sur le site du CSO
 |