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Vers un nouveau concept stratégique de l’Otan
Quoi de neuf ? Quoi de pire ?

Claudine Pôlet
6 octobre 2010

Le calendrier se précise pour l’adoption du « Nouveau Concept Stratégique » de l’Otan Horizon 2020.

Un rapport a été rédigé par un groupe d’experts et publié sur le site officiel de l’Otan en juin. Le secrétaire général de l’Otan a entamé des consultations de gouvernements de l’Alliance et remettra une conclusion résumant ce qui aura été retenu du rapport des experts, le 14 octobre prochain, lors d’un sommet des ministres de la Défense et des Affaires Etrangères de l’Otan. Et le 20 novembre, le sommet des chefs d’Etat de l’Alliance réuni à Lisbonne adoptera le document définitif d’un « Nouveau Concept Stratégique ».

En ce qui concerne la Belgique, jusqu’à présent aucun débat public n’a eu lieu sur ce Concept Stratégique, qui devrait engager notre pays pour de longues années. Le gouvernement aura beau jeu de dire qu’il ne peut rien décider puisqu’il est « en affaires courantes ». Quelle position défendra-t-il lors de ce sommet des Ministres des Affaires Etrangères et de la Défense ? Les partis politiques qui participent au douloureux accouchement d’un nouveau gouvernement ne veulent surtout pas discuter de cette question sous prétexte qu’elle ajouterait encore aux difficultés actuelles. La rentrée parlementaire doit avoir lieu à la mi-octobre et quelques parlementaires pourraient demander la réunion d’une commission mixte Sénat-chambre des députés, et Affaire Etrangères-Défense pour enfin mettre le sujet du Nouveau concept stratégique de l’Otan en discussion au parlement. De toutes façons, il n’y aura aucun vote du parlement et c’est le gouvernement qui donnera ses instructions à ses représentants à l’Otan.

Mais quel « gouvernement » ???

L’adoption de ce Nouveau Concept Stratégique devrait se faire dès novembre au sommet de l’Otan à

Lisbonne. Comme la règle du consensus est encore de rigueur au sein de l’Alliance, il y a toutes les chances que notre pays va donner son consentement à des orientations qui nous engagent jusqu’en 2020, sur lesquelles la population ne sait rien, qui auront été débattues (et encore… ?) dans un petit cénacle gouvernemental ou qui auront simplement fait l’objet d’un accord tacite entre les dirigeants des partis politiques présents au parlement.

Le « rapport des experts » présente des « analyses et des recommandations » pour établir le document final du Nouveau Concept Stratégique. Elles ne se retrouveront sans doute pas toutes dans la version définitive. En tout cas, elles donnent une idée de l’orientation générale de l’Otan pour les prochaines années. Certaines de ces orientations ont déjà été mises en évidence et dénoncées par les associations de paix de notre pays et par notre Comité.

Quelques points de ce rapport semblent particulièrement préoccupants et interpellant :

L’Otan n’est plus une alliance de pays pour assurer la défense d’un territoire limité à ces pays, elle se transforme en agence de sécurité euro-atlantique qui a le droit de se projeter militairement, partout où elle le juge nécessaire dans le monde. Il se définit comme « un vaste réseau de prestataires de sécurité ».

L’ONU n’est plus l’organe suprême pour débattre et décider des questions de paix et de guerre et de sécurité mondiale, mais un partenaire parmi d’autres et la charte de l’ONU, n’est plus qu’un texte dont il convient de s’inspirer.

L’Otan devenue organisme garant de la sécurité de la zone euro-atlantique fait un nouvel inventaire des « menaces » à cette sécurité : la prolifération des armes nucléaires, les groupes terroristes extra-territoire Otan ET intra-territoire Otan, les possibilités de rupture de l’approvisionnement énergétique, les problèmes mondiaux tels que la pauvreté, la faim, les migrations, la crise financière, les sanctuaires offerts à des terroristes par des Etats n’ayant pas « nos » valeurs.

Les « experts » considèrent que les sources potentielles de menaces qui nécessiteraient l’invocation de l’article 5 se sont diversifiées et les dangers pourraient désormais provenir aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur de la région euro-atlantique.

L’Iran est le seul pays cité nommément comme « une menace majeure de type article 5 dans les dix ans qui viennent ». Outre « les efforts que déploie l’Iran pour concevoir des armes nucléaires », il y a ses programmes d’armes conventionnelles, notamment ses missiles de croisière anti-navires et ses missiles balisitiques… l’Otan doit se préparer à tout.

La Russie est toujours considérée comme un partenaire mais aussi comme un possible futur ennemi. Le partenariat avec la Géorgie et l’Ukraine reste essentiel, sans attendre leur intégration à l’Otan. Les autres partenariats doivent se multiplier dans le monde, « à la carte ».

L’Afghanistan est le « symbole » des nouvelles missions de l’Otan. Aucun retrait militaire n’est envisageable, mais bien l’élargissement des fonctions de l’Otan intégrant le militaire, le politique, l’économique. L’Otan y restera encore de longues années. Et plus : « en raison de la complexité et de l’imprévisibilité du climat sécuritaire qui devrait prévaloir au cours des dix prochaines années, on ne saurait écarter la possibilité qu’à l’avenir l’Otan participe à des missions de stabilisation similaires... »

Au vu de toutes ces missions de gendarme international que l’Otan veut s’attribuer, le rapport des experts préconise également de grands efforts de réorganisation intérieure. Là aussi l’inventaire n’est pas triste :

Il faut une chaîne de commandement unifiée des forces militaires Otan. Il faut réduire au minimum les restrictions d’emploi des troupes mises à la disposition par les différents pays alliés. Il faut fixer de nouveaux principes directeurs qui guideront l’Alliance chaque fois qu’elle devra décider où et quand faire intervenir ses forces hors de ses frontières. Il faut aussi élargir la définition des missions aux nouvelles exigences de la sécurité intérieure (!). Il faut augmenter les moyens financiers mis à la disposition de l’Otan, s’engager à financer des opérations même quand on n’y participe pas, rationaliser toutes les capacités militaires. Enfin, il faut donner plus de pouvoir de décision au secrétaire général de l’Otan et aux chefs militaires, afin qu’ils puissent réagir dans une situation d’urgence, comme une attaque de missile ou une cyberattaque (!).

Enfin, au chapître des « forces et capacités de l’Alliance », il semble assez évident que l’Otan ne renoncera pas à disposer d’une grande force de frappe nucléaire. Les « experts » recommandent fermement le maintien des armes nucléaires tactiques en Europe et que tout changement de cette politique soit décidé par l’Alliance tout entière (!). Par ailleurs, elle va intégrer le système de défense anti-missiles américain dans son programme de sécurité en Europe. Elle continue aussi à structurer la Force de Réaction Rapide et à réclamer une augmentation des budgets militaires des divers pays membres.

Et voilà quelques « recommandations » d’un groupe d’experts pas du tout neutre puisqu’il est présidé par Madeleine Allbright. Même si le document final que va concocter Rasmussen, le secrétaire général actuel n’en retient pas tout, il ne prendra pas une orientation différente. Il confirme et renforce l’orientation belliqueuse mondiale de l’Otan, et l’orientation politique anti-démocratique de nos gouvernements. On ne peut pas l’ accepter !

Claudine Pôlet
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