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La stratégie d'encerclement progressif de la Russie

Roland Marounek
7 mars 2004

"Il est impossible d'exclure complètement la possibilité d'une guerre avec un état de l'OTAN, mais pour la Russie, une guerre avec l'OTAN serait fatale",
Colonel Général Yuri Baluyevsky, sous chef de l'état-major russe.


1. Estonie
2. Lettonie
3. Lituanie
4. Slovaquie
5. Roumanie
6. Bulgarie
7. Slovénie
8. Ukraine
9. Détroit de Kertch
10. Géorgie
11. Azerbaïdjan
12. Arménie

L'élargissement imminent de l'OTAN représente un remarquable déplacement à l'Est, et amène l'Alliance aux frontières de la Russie, à l'intérieur même de la défunte URSS. Cela fait suite à deux années où 'la guerre contre le terrorisme' a de manière très convéniente amené les bases militaires américaines et les soldats de l'OTAN aux frontières sud de la Russie. Récemment un coup d'état place la Géorgie directement dans le giron US et le même type de manœuvres déstabilisatrices menace le Belarus et l'Ukraine. Difficile, malgré les propos lénifiant des responsables de l'OTAN qui jurent que la Russie n'a rien à craindre, de ne pas voir que la Russie est de mieux en mieux entourée.

Simultanément, on observe dans les médias US une nouvelle vague de violente agressivité contre le 'néo-impérialisme russe' qui rappelle singulièrement le bon vieux temps.1

Pays Baltes : La guerre contre le terrorisme prend de bien lointains détours.

Il est de plus en plus certain que les nouveaux pays membres accueilleront des bases militaires de l'OTAN. Lors du dernier sommet de l'OTAN à Munich (6-7 février), la Russie, tout en convenant que les bases de l'OTAN en Bulgarie et en Roumanie, c'était peut-être pour la 'lutte-contre-le-terrorisme', a tenté désespérément de résister sur la question des bases militaires septentrionales : « Qui pourrait nous expliquer, pour quels objectifs de lutte contre le terrorisme et à l'intention de quelle région spécifique, des bases militaires de l'Otan sont planifiées en Pologne et dans les pays baltes? » s'est interrogé le ministre des affaires étrangères russes, Ivanov.

Sa demande que des inspecteurs russes puissent inspecter ces bases a été rejetée avec froideur : L'OTAN a répliqué que la demande d'Ivanov allait au-delà des accords existants, et les représentants des états Baltes ont déclaré que la Russie n'avait pas le droit d'imposer des conditions, si l'OTAN décidait de placer des bases chez eux.

En octobre, la Lettonie, malgré les protestations russes, avait déjà installé des radars à longue portée derniers modèles (made in Lookheed-Martin) juste à la frontière russe, capables de contrôler la partie Nord-ouest de la Russie sur une profondeur de 400 km à l'intérieur du pays. Ces radars devraient être intégrés aux infrastructures de l'OTAN. Qui est l'ennemi ?

Ukraine et Caucase : les bases russes doivent laisser la place aux bases de l'OTAN.

A la fin de l'année passée les présidents russe et ukrainien ont conclu à Kertch un accord prévoyant la gestion conjointe par leurs pays du détroit de Kertch. (cf carte). Cet accord prévoit que les bateaux militaires des pays tiers ne peuvent y entrer que sur l'autorisation des deux pays, ce qui permet en particulier à la Russie d'empêcher la venue dans ces eaux des navires de l'OTAN.

Cette mesure d'autodéfense élémentaire a été jugée à sa juste valeur par les médias pro-occidentaux dits 'indépendants' d'Ukraine qui se sont déchaînés sur Koutchma: « Cette mesure est peu compatible avec l'intention de l'Ukraine d'adhérer à l'Alliance atlantique », « Koutchma cherche à protéger ses intérêts personnels au détriment de ceux de son pays », « Koutchma brade son pays ». Il est assez vraisemblable que Kouchma doive s'attendre à d'autres roses…

C'est aux côtés du secrétaire d'État Colin Powell que le nouveau président Géorgien a été intronisé, le 25 janvier 2004. Mikhaïl Saakachvili ne cache pas devoir son arrivée aux "ONG" financées par la National Endowment for Democracy, paravent de la CIA. Ses premières déclarations ont été pour afficher son désir d'adhérer à l'OTAN. Colin Powell a déclaré que les bases russes en Géorgie devaient être démantelées sans délai. Les conseillers militaires US prolifèrent dans le pays, sous couvert de 'lutte contre le terrorisme'. Dans le même temps, l'Azerbaïdjan déclare qu'il 'pourrait envisager la possibilité' d'accueillir des bases de l'OTAN et l'ex-secrétaire général de l'Alliance George Robertson annonçait l'intention de l'OTAN d'ouvrir une représentation permanente dans le Caucase, et qu'elle « réfléchissait à la meilleure façon d'y étendre ses liens ».

En Asie centrale, l'OTAN est là pour quelques temps…

Derrière les déclarations lénifiantes des responsables de l'OTAN, on peut en trouver d'autres, qui éclairent de manière un peu plus réaliste les mouvements actuels. Ainsi, en 2001 Henri Kissinger écrivait « Un bloc asiatique hostile combinant les nations les plus peuplées du monde avec de grandes ressources et certains des pays industriels les plus importants serait incompatible avec l’intérêt national américain. Pour ces raisons, l’Amérique doit maintenir une présence en Asie, et son objectif géopolitique doit être d’empêcher la transformation de l’Asie en un bloc hostile »2

La dite guerre contre le terrorisme a été le prétexte idéal pour avancer concrètement dans cette stratégie à long terme. Sous couvert de guerre contre l'Afghanistan, les USA ont installé des bases militaires dans les ex-républiques soviétiques du sud, en Ouzbékistan, au Tadjikistan et au Kirghizistan. La fumée non encore dissipée des tours WTC a permis que ce tour de force passe quasiment inaperçu auprès d'une opinion publique tétanisée.

« Je ne verrais pas d'un bon oeil l'apparition de bases militaires américaines permanentes en Asie centrale », avait déclaré à l'époque (janvier 2002) le président de la Douma. Mais ces bases sont manifestement aménagées pour le long terme. « Les réalités politiques ont changé : les Etats-Unis sont devenus le troisième voisin de l'Asie centrale [après la Chine et la Russie] ».3 Quant à l'Afghanistan, un responsable sur place de l'OTAN vient de préciser que l'Alliance risque d'être là pour un bout de temps : « Combien de temps l'OTAN désire rester ? Quelque chose comme entre 5 et 10 ans, ou même aussi longtemps que nécessaire ».

Il prévoit également que le nombre de soldats de l'OTAN sur place passe à terme à 12.000 – si toutefois on parvient à trouver tout ce monde, et c'est sans doute là que pourrait se trouver le talon d'Achille de l'apparente surpuissance occidentale : Actuellement, l'OTAN rencontre déjà des difficultés pour dégager les ressources nécessaires; elle ne parvient toujours pas par exemple à trouver les hélicoptères de transport nécessaires. Le nouveau secrétaire général de l'Otan, Jaap de Hoop Scheffer, a déclaré lors du sommet de Munich que les pays de l'Alliance faisaient « face à un déficit considérable de forces effectivement déployables. Si ce déficit n'est pas comblé, nous allons bientôt approcher le moment où nos ambitions politiques dépasseront nos capacités militaires ». Il y a donc de l'espoir.

Roland Marounek

1. : cf. par exemple le récent article de William Safire, l'ex-nègre de Nixon, et éditorialiste vedette du New-York Times ' Keeping an eye on the Russian bear', traduit sur le site du CSO http://www.csotan.org/textes/texte.php?art_id=108&type=autres
2.Henry Kissinger, Does America need a Foreign Policy?, Simon & Schuster, New York, 2001, p. 111-112., cité par Michel Collon in "La guerre globale a commencé" http://www.stopusa.be/scripts/texte.php?section=CL&id=22416
3. Erlan Karine,politologue kazakh, cité dans le Courier International "Les États-Unis avancent leurs pions" http://www.courrierinternational.com/numeros/591/059103001.asp

Roland Marounek
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