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L’Ukraine, devenue satellite militarisé de Washington Rodolphe Cottier 2 août 2020 Voici l’article excellent de Rodolphe Cottier, LA POLITIQUE AMÉRICAINE EN UKRAINE : ÉCHEC OU RÉUSSITE ? in : INFOGUERRE, 10 Juillet 2019. Nous en extrayons quelques passages particulièrement significatifs. On remarquera que l’auteur néglige de mettre en évidence la neutralité constitutionnelle de l’Ukraine jusqu’en 2014 et de sa suppression après cette date, fait qui, d’évidence, n’est sans intérêt du point de vue de la stratégie de Washington. Depuis lors, Washington ou l’OTAN y organise des exercices militaires de plus en plus amples et établit des bases [Nicolas Bárdos-Féltoronyi]
La posture antirusse du nouvel Etat ukrainien post guerre froide
L’Ukraine accède enfin à l’indépendance en août 1991, quelques mois avant le traité de Minsk qui mit fin à l’existence de l’URSS. Elle commence à vivre la vie d’un pays recouvrant son indépendance mais avec un fort encrage économique avec feu l’URSS, une imbrication des économies entre les différentes républiques de ce même ensemble disparu. C’est le cas des industries majeures en Ukraine comme le groupe Antonov qui tente aujourd’hui de se relancer. L’Ukraine avait un accès privilégié aux marchés de la Russie et des anciens pays de l’URSS. Comme les bandéristes le souhaitaient, voici l’Ukraine affranchie de la tutelle russe. C’est alors l’apparition des premiers partis nationalistes ukrainiens…
Entre 2004 en 2005 se produit la révolution orange, financée notamment par l’International Renaissance Foundation de George Soros, comme il le reconnaît lui-même, et qui porte au pouvoir Victor Iouchtchenko (et ce après avoir été déclaré perdant de l’élection). Son premier ministre est Ioulia Tymochenko dont le gouvernement sautera suite à une motion de censure de la Rada (parlement ukrainien) à la suite de négociation sur l’achat de gaz russe dont le prix double (suite à la décision de l’Ukraine de sortir des accords avec la Russie et les pays de la CEI), tout en restant un prix bien inférieur au marché. Ce contrat est très important pour la suite de l’histoire…
2010 voit l’élection de Ianoukovitch, au grand dam de l’UE, face à Ioulia Tymochenko. Quelques temps plus tard, accusée de corruption dans le cadre du contrat de gaz russe cité précédemment, son opposante Ioulia Tymochenko se retrouve en prison (son sort fera l’objet de tractation entre l’UE et Kiev pour la signature de l’accord d’association)… En 2013, Ianoukovitch poursuit son rapprochement de l’UE mais aussi de la Russie… L’Ukraine a dans un premier temps porté son choix sur l’UE. Les négociations avancent bien jusqu’en novembre 2013. Afin d’assurer une sécurité économique a son pays et ne pas voir l’industrie ukrainienne dépecée par les privatisation et une situation financière catastrophique, Ianoukovitch, à qui l’on a promis oralement des milliards que l’on lui refuse ensuite, s’abstient de signer l’accord d’association avec l’UE et demande un délai afin de préparer son industrie tout en continuant les discussion avec la Russie, son principal partenaire économique. L’UE y voit le résultat d’un chantage orchestré par Moscou. … et à partir de ce moment que l’épisode « Maïdan » commence …
Une révolution orchestrée ?
Le 21 novembre 2013, Victor Ianoukovitch annonce l’annulation de l’accord d’association avec l’Europe… A Kiev, la capitale, les manifestants occupent la place Maïdan (place de l’Indépendance). C’est à ce moment que les versions divergent. Celles dont on ne parle pas et celle, angéliques, qui sont présentés dans les actualités populaires. Les faits : Des rassemblements ont lieu en soutien à l’accord d’association. Les membres des factions d’extrême droite, tel le SNPU rebaptisé Svoboda (« liberté »), font rapidement leur apparition. Venus de Lviv par petits groupes, ils se retrouvent sur la place Maïdan.
Mais ce ne sont pas les seuls que l’on retrouve sur cette place désormais célèbre : on assiste au défilé de représentants de l’Union Européenne et des États-Unis. En tête de cette délégation, au côté de « nationalistes », Victoria Nuland /sous-secrétaire d’Etat américaine/… Les activités de Victoria Nuland dans la démocratie ukrainienne en marche passe aussi par le choix des personnes placées à la tête du futur gouvernement. A Kiev, pour soutenir un semblant d’accord signé le 21 février /2014/ en vue d’un compromis et de l’organisation, on assiste au défilé de représentants de l’Union européenne ou pays européens... Mais toutes ces bonnes intentions affichées ne suffiront pas à calmer les ardeurs de l’extrême droite ukrainienne.
Menacé, le président élu, Victor Ianoukovitch fuit l’Ukraine en craignant pour sa vie. Il trouve refuge en Russie. Cette fuite fait suite à des fusillades qui ont eu lieu les jours précédents sur la place Maïdan, ou à la fois des policiers mais aussi des manifestants, ont perdu la vie, comme le relate de nombreux médias. Cependant, quelques années après, force est de constaté que la vérité bien différente: 3 Géorgiens, tireurs d’élite, ont été recruté pour faire dégénérer le mouvement et apporter le prétexte au putsch qui a suivi. Ils ont témoigné de leur participation, tirant à la fois sur les manifestants et sur les policiers, « les Berkuts ».
Opération réussie, l’extrême droite ukrainienne rentre dans le parlement ukrainien, la Rada, arme à la main et prend le pouvoir. Les milliards de dollars que les Etats-Unis ont versé au profit d’une opposition extrémiste et prête à tout pour lutter contre les Russes, fussent-ils ukrainiens, ont finalement abouti. La doctrine américaine datant des années 60 ou l’objectif était de déstabiliser l’Ukraine pour affaiblir l’URSS en la privant de son grenier à blé, du charbon du Donbass et d’une partie de son industrie aéronautique, aura finalement réussi à être mise en œuvre 25 ans après la chute de l’URSS. Le putsch qui s’est déroulé à Kiev verra l’arrivée au pouvoir de la frange la plus russophobe de l’Ukraine.
Le jeu à peine masqué des politiques de puissances sur l’échiquier ukrainien
…La doctrine d’endiguement de la Russie, cet adversaire perpétuel, est à l’œuvre… Côté géopolitique, la crise ukrainienne aura permis aux USA d’avancer les pions de l’OTAN aux frontières russes... Le conflit ukrainien a vu l’émergence d’un Etat soutenu par certaines factions sympathisantes du nazisme à l’est du continent, dont l’objectif est la lutte ouverte contre la Russie. Les États-Unis joue une partie dangereuse afin de mettre à genoux leur adversaire historique, sans doute pour prendre leur revanche de l’invasion manquée de la Russie en 1918. L’endiguement de la Russie tant souhaité n’a pas eu lieu pour l’instant. La politique américaine actuelle de dénonciation d’accords et d’interventionnisme militaire ou économique à tout va, a au contraire remis sur la scène internationale la Russie en tant que partenaire fiable et stable…
Le grand perdant, en fait, aura été le peuple ukrainien. Instrument, ou jouet, dans les mains d’atlantistes, l’Ukraine a vu son industrie dévastée. Son agriculture passe dans les mains de Monsanto, les réserves de charbon sont aux mains des séparatistes, son industrie aéronautique agonisante tente de se relancer par un partenariat avec Boeing. L’entrée de l’Ukraine dans ces conditions au sein de l’OTAN est plus que compromise et les promesses d’intégration de l’UE de ce pays en conflit n’est pas pour demain.
Finalement, la politique américaine en Ukraine n’aura pas été un si grand échec. Si l’on se place du point de vue outre-atlantique, on pourra observer un affaiblissement de l’intégration européenne, avec la scission entre une Europe de l’ouest, ou une marge croissante de politiques réclament une levée des sanctions contre la Russie, alors que l’Europe de l’est, Pologne et Pays Baltes en tête, recherchent avant tout la protection du bouclier militaire américain. L’OTAN, du fait de la diabolisation de la Russie, est étendue aux frontières orientales de l’UE, au point de voir la Pologne offrir au Pentagone l’installation d’une base permanente sur son territoire.
L’augmentation des budgets de défense des pays de l’UE accroît les marchés qui s’offre à l’industrie de l’armement américaine. Les États-Unis auront ainsi su profiter de la diabolisation de la Russie pour ralentir l’intégration des nouveaux venus, de l’Est, au sein de l’UE. De plus, les États-Unis ont fait baisser les échanges commerciaux entre les pays européens et la Russie. Les intérêts américains ont été touchés à la marge. Washington n’hésite pas à décréter des exceptions pour ses entreprises si nécessaire, notamment dans le domaine spatial et celui des moteurs de fusée.
Rodolphe Cottier
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