![]() Sergueï Lavrov à son arrivée à Anchorage, porteur d’un message particulier. |
La rencontre Trump-Poutine à Anchorage a provoqué énormément de commentaires allant dans tous les sens, de l’exaltation sur la « victoire de la Russie » à la détresse sur « l’abandon des Alliés par Trump », de la certitude que la paix était quasi actée en Ukraine, à l’effroi que les États-Unis ne forcent sa capitulation.
Et puis : les États-Unis ont approuvé une nouvelle vente d’armes à l’Ukraine pour près d’un milliard de dollars, comprenant notamment 3350 missiles d’attaques à longue portée permettant de frapper beaucoup plus loin derrière les lignes russes que ne le permettaient les armes précédentes ; l’administration Trump maintient des droits de douanes de 50% s’apparentant à des sanctions secondaires, contre l’Inde, explicitement pour punir ce pays de continuer à acheter du pétrole russe ; les généraux ukrainiens restent toujours « conseillés » depuis le QG de l’US Army à Wiesbaden, et il n’est plus question d’arrêter les services de renseignement et de guidage satellitaires - leur interruption pendant quelques jours en février dernier avait provoqué un début de débâcle. N’est-ce pas une étrange manière de chercher la paix avec la Russie ?
Il semble que l’administration Trump, ou une partie de celle ci, estime que la guerre par procuration en Ukraine ne peut plus être remportée par l’OTAN, que la volonté de faire mettre la Russie à genoux n’avait pas marché, et qu’il n’y avait plus aucun espoir d’y parvenir. Face au défi majeur que représente la montée en puissance de la Chine, elle veut se débarrasser du bourbier ukrainien.
Mais en même temps, les États-Unis ne peuvent en aucune manière concéder une réelle défaite de l’OTAN en Ukraine. Car parvenir à une paix véritable en Ukraine, ne pourrait signifier, pour la Russie, pas moins que la redéfinition d’une architecture de paix globale en Europe, reposant sur le principe fondamental de la ‘sécurité mutuelle’. Cela signifie dans les faits renoncer à l’assujettissement de la Russie, objectif central de l’OTAN depuis l’éclatement de l’URSS, et par-delà, compromettre la suprématie globale étatsunienne. C’est quelque chose que les États-Unis, avec leur 40 mille milliard de dettes soutenue par la domination du dollar, ne peuvent tout simplement pas se permettre, quel que soit le nom du président.
Cette double contrainte - nécessité de se retirer, nécessité de rester pour éviter la défaite- explique sans doute les incohérences de la politique de Trump sur l’Ukraine. En Alaska, il avait espéré amadouer la position russe, en croyant que la question se résumerait à une accaparation de territoires et une reprise de relations économiques potentiellement juteuses. Et un tapis rouge. Mais la Russie, notamment par la voix (et le pull) de Lavrov, a fait comprendre que l’ère de la naïveté était révolue.
L'OTAN ne peut renoncer à gagner sa guerre contre la Russie
Paniqués qu’un accord puisse être décidé entre les deux réels protagonistes de la guerre, les Européens se sont précipité pour chaperonner Zelensky, mimant une adhésion à un ‘processus de paix’ tout en y mettant des conditions telles qu’il devienne parfaitement impossible - insistant en particulier sur la présence militaire de membres de l’OTAN, rebaptisés « Coalition des Volontaires », soit la cause même de l’opération militaire russe en 2022.
Et pour bien s’assurer que des négociations ne fassent s’effondrer son rêve de défaite totale de la Russie, la Haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères Kaja Kallas précise que les avoirs gelés ne seront de toute façon pas restitués à la Russie tant que Moscou ne paierait pas de réparations à l'Ukraine, même en cas d’« accords de paix ». Seuls les pays vaincus paient des réparations de guerre : la seule « paix » que peuvent imaginer les dirigeants otaniens est l’effondrement de la Russie.
Quel que soit le spectacle d’Anchorage, des signaux militaires précis indiquent plutôt que les Ukrainiens sont en train de se préparer à une opération majeure contre la Crimée, avec le plein soutien de l’OTAN, et des États-Unis de Trump, que certains s’obstinent à vouloir voir comme ‘président de la paix’.