Parmi les sempiternelles critiques de Donald Trump à la présidence de Joe Biden, une d’entre elles concernait la gestion de ce dernier du « problème » vénézuélien. Lors d’un discours prononcé en Caroline du Nord en juin 2024 pendant sa campagne électorale le candidat Trump faisait état de ses regrets : « Quand j’ai quitté la Maison blanche, le Venezuela était au bord de l'effondrement. Nous aurions pris le pouvoir et aurions mis la main sur tout ce pétrole, qui se trouvait juste à côté. Aujourd'hui, nous l’achetons au Venezuela. Nous enrichissons donc un dictateur. Pouvez-vous croire cela ? »1.
Il regrettait ainsi ne pas avoir pu refaire avec son protégé Juan Guaido, l’exploit qu’il avait réussi à faire en Syrie et dont il se vantait devant un journalise de Fox News : « Ils disent que j’ai laissé des troupes en Syrie. Non, je les ai toutes retirées sauf celles qui ont pris le contrôle du pétrole. Et nous avons le pétrole. À l'heure actuelle, les États-Unis ont le pétrole. »2
Tout indique que le président Trump semble vouloir terminer le job qu’il n’avait pas pu finir lors de son premier exercice présidentiel en utilisant, cette fois, le sujet du trafic de la drogue comme instrument justificatif. Pour ce faire, il a commencé par signer une directive adressée au Pentagone autorisant l’usage de la force militaire contre les cartels de la drogue, considérés comme des organisations terroristes qui mettaient en danger la sécurité du pays.
Le 8 août, un article du New York Times révélait la signature secrète d'une directive autorisant l’utilisation des forces militaires pour lutter contre les cartels de la drogue3. Quatre jours plus tard, le Secrétaire d’Etat Marco Rubio confirmait le déploiement de forces navales et aériennes au sud de la mer des Caraïbes, aux proximités de la Colombie et du Venezuela.
Le Venezuela, pourquoi ?
Curieusement le point 7.3.3 du Rapport de l’année 2025 de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) qui indique les « …principaux pays identifiés comme sources et destinataires finaux ou intermédiaires des expéditions de cocaïne, d'après les saisies signalées, 2020-2023 » non seulement ne fait pas apparaître le Venezuela parmi ces pays mais le signale comme un pays « non considéré comme principaux pays sources ou de transit »4. Également très curieux que la propre agence étasunienne de lutte contre la drogue, la DEA (Drug Enforcement Administration) n’apporte aucune preuve d’une quelconque intervention du gouvernement vénézuélien dans les activités des cartels de la drogue. Il se limite à présenter dans son site Web des dizaines de fiches impliquant des Vénézuéliens, notamment de la diaspora, résidents aux USA, Colombie ou ailleurs, supposés être impliqués dans le trafic de drogues ; cinq de ces fiches mentionnent le président Maduro, ses liens avec des fonctionnaires de son gouvernement suspectés de liens avec des cartels ou avec des membres des FARC colombiennes mais encore un fois sans la moindre preuve substantielle5.Par ailleurs le chapitre conclut avec la formule convenue soulignant la présomption d’innocence tant qu’ils n’ont pas été jugés formellement.
La vraie réponse à la folle démarche aventurière de l’administration Trump se trouve probablement dans le constat de la réalité de leurs mensonges. C’est un fait évident qu’une société gagnée par la production, le trafic et la consommation des drogues, est une société caractérisée par son insécurité. Or un des grands progrès de l’administration Maduro s’est traduit dans la diminution radicale de la criminalité dans le pays. Le nombre d’homicides qui était de 48 sur 100.000 personnes en 2018 est descendu à 19 en 2023 et ce n’est pas le Drapeau rouge qui le dit mais la Banque Mondiale6. « Aujourd'hui, à Caracas, on peut sortir tranquillement la nuit à pied », témoignait le journal Brasil de Fato7. Si à cela s’ajoute le fait que, toujours selon la Banque Mondiale, la population du pays, qui diminuait régulièrement depuis 2017 (moins 2,9 % annuel en 2019), a augmenté de 1,9 % en 2023 et ce, notamment, grâce aux nombreux retours (320.000 personnes revenues en 2023 contre 1.300.000 parties en 2018), on peut comprendre que cette évolution soit tout à fait insupportable pour le tandem Marco Rubio / Donald Trump. Ils s’accommodaient bien de ce Venezuela « au bord de l’effondrement » dont parlait ce dernier pour "démontrer" la non-viabilité d’une expérience socialiste. Impossible pour eux de rester impassibles car c’est leur vieux rêve de prendre la main sur le pétrole vénézuélien qui risque de s’évanouir. Or c’est bien là et non pas dans la cocaïne où git le lièvre.
On comprend également sans trop de difficultés, la décision de la France de se joindre ipso facto aux États-Unis pour renforcer sa présence militaire dans les Caraïbes en envoyant davantage de navires en Guadeloupe. Avec ce geste, le président Macron ne fait qu’ajouter des services en vue d’être reconnu comme le majordome en chef des intérêts étasuniens.
1. https://www.youtube.com/watch?v=sAOsUf44iSI
2. Fox News 28.01.2020 https://www.youtube.com/watch?v=HYc8UXhjLH0
3. https://www.nytimes.com/2025/08/08/us/trump-military-drug-cartels.html
4. Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, World Drug Report 2025
5. https://www.dea.gov/search?keywords=Venezuela
6. https://donnees.banquemondiale.org/pays/venezuela?view=chart
7. Brasil de Fato, 10.07.2024