Le réseau mondial de la prolifération des armes nucléaires

Pierre Piérart
28 juin 2006

Hiroshima et Nagasaki ont ouvert l’ère nucléaire. Plusieurs scientifiques dont Léo Szilard, fondateur du Conseil pour un monde vivable et lauréat du « Prix de l’atome pour la paix », ont prophétisé une escalade nucléaire avec des milliers de bombes. Au moment où l’URSS réalise son premier essai nucléaire en 1949, les Etats-Unis possèdent déjà 110 bombes. La folie de cette escalade perpétrée par les Etats-Unis, l’URSS, la Grande Bretagne, la France, Israël et la Chine, a mobilisé deux millions d’emplois entre 1960 et 1990 sur la base des 600.000 officiellement reconnus aux Etats-Unis. En 1963, 483 essais atmosphériques ont libéré 629 Mt d’équivalent TNT causant une radiopollution des milliers de fois plus importante que Tchernobyl.

Devant cette situation, dénoncée par de très nombreuses personnalités diplomatiques et scientifiques, l’Assemblée Générale des Nations Unies a réclamé un Traité de Non Prolifération qu’elle a adopté en juin 1968 et qui est entré en vigueur le 5 mars 1970.

Aujourd’hui plus de 20 pays disposent de la bombe atomique ou des moyens pour la produire très rapidement. Suite à des accords secrets et des alliances parfois paradoxales (Israël-Afrique du Sud) un vaste réseau de prolifération des techniques nucléaires a permis à de nombreux pays de se doter des moyens nécessaires pour accéder à la Bombe.

Israël, détenteur de l’arme nucléaire depuis le début des années 60, a bombardé le 7 juin 1981 la centrale atomique irakienne de Tamouz, vendue par la France en 1975. Des avions irakiens, parfois pilotés par des Français, bombardèrent en 1981 la centrale nucléaire de Busher en Iran, fournie par les Allemands.

La France et l’Allemagne se sont spécialisées dans la fourniture à des nombreux pays d’usines d’enrichissement de l’uranium et de retraitement des combustibles nucléaires usagés pour en retirer le plutonium. Même la Belgique et les Pays-Bas ont trempé dans ces opérations proscrites par le Traité de Non Prolifération (TNP).

Dominique Lorentz dans son livre « Affaires Atomiques » a décrit tout le réseau très complexe de la prolifération du nucléaire militaire. Le manuscrit de ce livre a été refusé par 3 maisons d’éditions françaises. Il a fallu créer la maison d’édition « les arènes » pour le publier en 2001. Un coup de pistolet dans un salon, selon Alexandre Adler, qui était rédacteur du Courrier International. La France et l’Allemagne, avec le feu vert américain (sous forme de licences d’exploitation) fournissaient les usines à des pays comme Israël, l’Afrique du Sud, l’Egypte, l’Irak, le Pakistan, l’Iran, l’Argentine, le Brésil…..

Des coopérations surprenantes sont dévoilées ; en plus de celle d’Israël - Afrique du Sud citée plus haut, on peut mentionner celles de l’Iran - Pakistan et de l’Inde - Israël.

Un tour d’horizon sur la question montre que ces trafics de technologies nucléaires à vocation militaire ont créé pas mal de tensions et même des attentats et des crimes à Paris au moment où l’Ayatollah Khomeyni est arrivé au pouvoir. En effet, l’Iran était entré dans le capital d’Eurodif (collaboration entre la France et l’Iran pour l’enrichissement de l’uranium). Il est paradoxal de constater que les puissances nucléaires occidentales comme les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne favorisent ce commerce (en infraction avec le TNP) pour certains pays alliés et l’interdisent pour d’autres.

La lutte contre le terrorisme et la prolifération nucléaire décrétée par l’OTAN est également plus qu’ambiguë puisque l’Alliance maintient des armes atomiques sur le territoire européen en infraction avec l’article I du TNP. Actuellement une majorité de citoyens européens (65 % en Belgique, 70 % en Italie, etc.), des centaines de bourgmestres, les députés nationaux et européens, demandent avec insistance le retrait des 480 bombes atomiques déployées en Allemagne, en Belgique, en Italie, aux Pays-Bas et en Turquie. Le gouvernement belge et en particulier son ministres des Affaires étrangères, font la sourde oreille. Que faire ? Mobiliser de plus en plus l’opinion publique en lui rappelant qu’on réclame la dénucléarisation de l’Europe et en priorité celle des cinq pays cités plus haut, qui sont en infraction flagrante avec l’article II du TNP.

Déjà en 1957, en pleine guerre froide, le ministre des Affaires étrangères polonais, Adam Rapacki, avait proposé d’établir une zone dénucléarisée comprenant la Pologne, la République Populaire Allemande, la Tchécoslovaquie et la République Fédérale Allemande. Ce plan très pratique n’aboutit malheureusement pas. Aujourd’hui les autorités de l’Alliance estiment que le déploiement des armes nucléaires est indispensable pour lutter contre la prolifération et le terrorisme !….

La Cour Internationale de Justice de la Haie en 1996 a déclaré l’arme nucléaire illégale mais les gouvernements n’en tiennent pas compte.