Les forces russes redoublent d’efforts pour achever l’opération

M K Bhadrakumar
15 mars 2022

Après avoir considérablement dégradé les capacités militaires de l’Ukraine, la Russie est prête à intensifier l’opération spéciale menant à la victoire finale. Moscou a donné des signaux dans ce sens.

Le signal le plus significatif est venu du porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, qui a déclaré lundi : « La Russie dispose d’un potentiel suffisant pour mener l’opération militaire spéciale en Ukraine. L’opération se déroule conformément au plan initial et sera achevée à temps et dans son intégralité. »

Comme je l’avais écrit plus d’une fois précédemment, la stratégie militaire russe suit son cours, contrairement à ce que véhicule la désinformation occidentale hypertrophiée, à savoir que l’opération spéciale a « échoué ». M. Peskov a laissé entendre qu’il n’était pas question d’arrêter l’opération prématurément. Il s’est exprimé au milieu des appels occidentaux au «cessez-le-feu».

M. Peskov a révélé que le président Vladimir Poutine avait spécifiquement ordonné aux forces armées de s’abstenir de lancer un assaut immédiat sur les villes, y compris Kiev, afin d’éviter de lourdes pertes civiles. L’opération a donc pris en compte la réalité du terrain, à savoir que les groupes extrémistes néonazis avaient déployé des armes dans des zones résidentielles densément peuplées.

Cela signifie que la tactique s’est réduite à « travailler avec des armes modernes de haute précision, en ne frappant que les infrastructures militaires et d’information ». De toute évidence, cela explique également le rythme lent et la faible intensité des opérations entrecoupées d’accalmies dans les combats, ainsi que la tactique consistant à encercler les grandes agglomérations au lieu de les attaquer de front.

Toutefois, selon M. Peskov, maintenant que les grandes agglomérations ont été encerclées, les forces militaires « n’excluent pas » de prendre les villes ukrainiennes sous leur « contrôle total ». Par ailleurs, le porte-parole du ministère de la Défense, Igor Konashenkov, a déclaré dimanche : « Au total, 3 736 installations de l’infrastructure militaire ukrainienne ont été neutralisées, 100 avions et 139 drones ont été détruits, ainsi que 1 234 chars et autres véhicules blindés, 122 systèmes de roquettes à lancement multiple, 452 armes d’artillerie de campagne et mortiers, et 1 013 unités de matériel militaire spécial ».

M. Peskov a bien sûr démenti les informations de la propagande occidentale, également démenties par Pékin, selon lesquelles Moscou aurait demandé une assistance militaire chinoise. Si l’on considère que la coalition dirigée par les États-Unis, forte de 177 194 soldats et soutenue par une puissance aérienne massive, a mis plus de quarante jours pour prendre l’Irak en 2003, les Russes ont élaboré une stratégie brillante.

Même les pires détracteurs de la Russie en Occident admettraient que le niveau des forces russes en Ukraine est bien moindre et que l’armée de Saddam Hussein a été systématiquement dégradée par les États-Unis pendant une décennie avant l’invasion de 2003.

Du point de vue ukrainien, la partie la plus difficile est sur le point de commencer. La ville portuaire de Marioupol, dans le sud du pays, ne peut pas tenir plus longtemps. Pratiquement tous les emplacements de tir que les néo-nazis avaient créés dans les banlieues de Marioupol ont été détruits. Les forces spéciales russes ont éliminé les principales forces néo-nazies retranchées dans les zones résidentielles du périmètre de la ville.

La chute de Marioupol sera un tournant. Elle libérera les forces russes qui pourront poursuivre leur route vers la ville de Zaporizhya et Dnipro, le pivot sur le fleuve Dniepr qui contrôle les approches sud de Kiev. De même, les attaques russes de Kherson vers Mykolayiv pourraient reprendre au sud en vue d’encercler Odessa, le joyau de la couronne sur la côte de la mer Noire.

Entre-temps, les mercenaires occidentaux ont eu un avant-goût de ce qui les attend lors de l’attaque au missile de croisière menée dimanche avant l’aube contre une base militaire ukrainienne située à moins de 20 km de la frontière polonaise. (Selon le compte-rendu russe, 180 mercenaires étrangers ont été tués.)

Le porte-parole du ministère russe de la défense, le général de division. Konashenkov a déclaré plus tard : « Nous connaissons tous les emplacements des mercenaires étrangers en Ukraine. D’autres frappes chirurgicales continueront d’être effectuées contre eux. » Les pays occidentaux, en particulier les États-Unis, qui se sont embarqués dans cette mésaventure pour envoyer des mercenaires, pourraient commencer à douter.

Il suffit de dire que tout cela s’ajoute à une prise de conscience croissante dans les capitales occidentales, y compris Washington, que l’opération russe ne peut plus être contrecarrée et qu’elle est destinée à suivre son cours. C’est ce qui ressort des dernières remarques du président français Emmanuel Macron à la télévision française lundi :

L’Europe ne peut pas être en sécurité si elle n’engage pas un dialogue avec la Russie. C’est notre histoire, notre géographie. C’est pourquoi j’ai l’intention de m’entretenir avec le président Poutine dans les heures qui viennent… Il est nécessaire de préparer dès maintenant les conditions de la paix, car la guerre prendra fin lorsque tout le monde s’assiéra à la table et que le temps viendra de déterminer qui est prêt à promettre quoi. Par conséquent, pour être prêt, il faut déjà se préparer maintenant.

En bref, Macron envisage le scénario qui suivra la fin des opérations russes « lorsque tout le monde s’assiéra à la table… pour déterminer qui est prêt à promettre quoi. » De manière significative, Macron s’exprimait quelques heures après un appel téléphonique du président américain Joe Biden.

Plus important encore, Bloomberg a rapporté que le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, a cherché à s’entretenir avec son homologue russe, Nikolai Patrushev, l’un des plus proches collaborateurs politiques de Poutine au Kremlin. Il s’agit du premier contact de haut niveau de ce type établi par Washington depuis le début de l’opération russe, le 24 février.

Traduit par Hervé, relu par Wayan, pour le Saker Francophone