Syrie : Un memorandum anti-guerre de vétérans militaires US
9 septembre 2018

Le groupe Veteran Intelligence Professionals for Sanity (VIPS) (Professionnels du renseignement pour la santé mentale des anciens combattants (VIPS) est composé d’anciens agents de renseignement, diplomates, officiers militaires et membres du personnel du Congrès. L’organisation, fondée en 2002, a été parmi les premiers à critiquer les justifications de Washington pour lancer une guerre contre l’Irak.

Memorandum pour : Le Président   
De : Anciens Professionnels du renseignement pour la santé mentale
Objet : Moscou a placé la barre plus haut en Syrie

Monsieur le Président,

Nous craignons que vous n’ayez pas été suffisamment informé de la reprise des hostilités dans le nord-ouest de la Syrie, où les forces armées syriennes, avec l’appui de la Russie, ont lancé une grande campagne pour reprendre la province d’Idlib infestée par les membres du groupe al-Nusra/al-Qaida/État islamique. Les Syriens vont presque certainement réussir à la reprendre, comme ils l’ont fait fin 2016 à Alep. Comme à Alep, cela signifiera un carnage indescriptible, à moins que quelqu’un ne dise enfin aux insurgés que leur cause est perdue d’avance.

Ce quelqu’un, c’est vous. Les Israéliens, les Saoudiens, et d’autres qui veulent que les troubles durent, s’adressent aux insurgés en leur assurant que vous, Monsieur le Président, utiliserez les forces américaines pour les protéger à Idlib, et peut-être aussi pour faire vivre un enfer à Damas. Nous pensons que vos principaux conseillers encouragent les insurgés à penser en ces termes, et que vos principaux collaborateurs s’attribuent le mérite de votre récent changement de politique, qui consiste à passer du retrait des troupes de Syrie à une guerre sans fin.

Mais, cette fois-ci, il existe une grosse différence.

Des unités navales et aériennes russes équipées de missiles sont maintenant déployées en quantité sans précédent pour combattre ceux qui seront tentés d’interférer avec les forces syriennes et russes qui visent à éliminer les terroristes d’Idlib. Nous supposons que vous en avez été informé, du moins dans une certaine mesure. Plus important encore, nous savons que vos conseillers ont tendance à dangereusement sous-estimer les capacités et les intentions russes.

Nous ne voulons pas que vous soyez surpris lorsque les Russes commenceront à utiliser leurs missiles. La perspective d’hostilités directes entre la Russie et les États-Unis en Syrie n’a jamais été aussi forte. Nous ne sommes pas sûrs que vous le réalisiez.

La situation est d’autant plus instable que les dirigeants du Kremlin ne savent pas exactement qui dirige les opérations à Washington. Ce n’est pas la première fois que le Président Poutine rencontre une telle incertitude. C’est cependant la première fois que les forces russes se déploient en si grand nombre dans la région, prêtes à se battre. Les enjeux sont très élevés.

Nous espérons que John Bolton vous a donné une description exacte de ses entretiens acerbes avec son homologue russe à Genève, il y a quelques semaines. À notre avis, il y a fort à parier que le Kremlin n’est pas certain si Bolton parle fidèlement en votre nom ou s’il parle contre votre nom.

La meilleure façon d’assurer à M. Poutine que vous contrôlez la politique des États-Unis à l’égard de la Syrie serait de vous donner rapidement l’occasion de vous exprimer publiquement et de préciser vos intentions.  Mais si vous souhaitez une guerre plus ouverte, alors Bolton vous a mis sur la bonne voie.

Si vous voulez calmer le jeu, vous pouvez envisager ce que l’on pourrait appeler un cessez-le-feu préventif. Nous entendons par là un engagement public des présidents des États-Unis et de la Russie à renforcer les procédures afin d’empêcher un affrontement ouvert entre les forces armées américaines et russes.. Nous pensons que, dans les circonstances actuelles, ce genre de mesure extraordinaire est maintenant nécessaire pour éviter une guerre plus ouverte.

Pour le groupe des VIPS, signé par : 

William Binney, Ancien directeur technique, analyse géopolitique et militaire mondiale a la NSA ; cofondateur du Centre de recherche en automatisation SIGINT (à la retraite).
Marshall Carter-Tripp, Agent du service extérieur (à la retraite) et directeur de division, Bureau du renseignement et de la recherche du département d’État.
Philip Giraldi, agent chargé des opérations à la CIA (retraité), 
James George Jatras, Ancien diplomate américain et ancien conseiller en politique étrangère auprès des dirigeants républicains du Sénat (Associate VIPS).
Michael S. Kearns, Capitaine dans l’U.S. Air Force, officier du renseignement et ancien maître instructeur SERE (retraité). 
John Kiriakou, Ancien agent antiterroriste de la CIA et ancien enquêteur principal, Comité sénatorial des relations étrangères.
Matthew Hoh, Ancien capitaine de l’USMC en Irak ; agent du service extérieur en Afghanistan (VIPS associé). 
Edward Loomis, Informaticien expert en cryptologie de la NSA (à la retraite).
Linda Lewis, Analyste des politiques de préparation aux ADM, USDA (à la retraite) (Associate VIPS)
David MacMichael, Agent principal au budget du Conseil national du renseignement (à la retraite) Ray McGovern, Officier du renseignement de l’armée et de l’infanterie et conseiller présidentiel pour la CIA (retraité). 
Elizabeth Murray, Agent national adjoint du renseignement pour le Proche-Orient, Conseil national du renseignement (retraité).
Todd E. Pierce, Juge-avocat général de l’armée américaine (à la retraite).
Coleen Rowley, Agent spécial du FBI et ancien conseiller juridique de la Division de Minneapolis (à la retraite)
Ann Wright, Colonel de réserve à la retraite de l’armée américaine et ancien diplomate américain qui a démissionné en 2003 pour s’opposer à la guerre en Irak.