En Syrie, une agression en sursis


16 octobre 2013

Commentant les préparatifs de guerre contre la Syrie du gouvernement français Etienne de Durand, un des responsables de l’Institut français des relations internationales (IFRI), déclarait au journal Le Monde qu’il « n'est pas question de se contenter de cibler les forces militaires du régime. Les opérations en Libye l'ont rappelé après les tout premiers jours : les frappes d'interdiction ou de soutien rapproché supposent une vraie coordination avec des éléments amis au sol et sont efficaces à proportion de ceux-ci. ». Déclaration pas anodine : l’IFRI est un des principaux organes de consultance du gouvernement français. Du côté américain, le quotidien El País informait d’une réunion à Istanbul entre l’envoyé des Etats Unis Robert Ford et des dirigeants de l’opposition syrienne au cours de laquelle le représentant américain les enjoignait (sic) « d’être préparés pour assumer au plus vite le contrôle du pays » ; de plus il les incitait à « se mettre d’accord rapidement pour désigner le Premier ministre qui les représenterait dans la nouvelle situation ». On se trouvait donc en face de la répétition du scénario déjà expérimenté au Kosovo et en Libye et qui n’a rien à voir avec le discours parlant d’une intervention limitée à quelques frappes punitives genre « touch and go » ; en fait, il s’agit d’un projet, concerté avec « des éléments amis au sol », destiné à assurer la destitution du président syrien.

En proposant la mise sous contrôle international suivie de la destruction des armes chimiques de la Syrie, la Russie a réussi à arrêter in extremis de tels projets d’agression, même si la proposition présente un déficit de cohérence. En effet, Moscou ne cesse pas de dire que l’attaque chimique est venue des rebelles. Une suite logique de ces affirmations eût été d’exiger que le dit contrôle et destruction d’armes chimiques implique aussi les pays fournisseurs de ces « rebelles ». Or le projet ne concerne que la Syrie, pays que les mêmes Russes dédouanent de toute responsabilité dans l’usage de ces armes. Mais le danger subsiste. Le dossier se trouve aux mains de la bureaucratie onusienne dont la complaisance envers les desseins des puissances occidentales a été maintes fois démontrée.

Et ce d’autant plus que le démantèlement de la Syrie n’est qu’un des prémices d’un projet bien plus ambitieux. Sur le plan politique, il s’agit d’éliminer, après l’Irak de Sadam et la Libye de Kadhafi, le dernier Etat qui résistait politiquement aux prétentions américaines et aux rêves d’hégémonie sans partage du gouvernement israélien.

A ce propos le rôle d’Israel dans ce dossier a été peu souligné. Pourtant ce pays, auteur de plusieurs attaques de missiles contre la Syrie a su gérer de loin sa grande influence dans les préparatifs de guerre. Pour Tel Aviv il ne s’agit pas seulement d’assurer la destruction d’un pays qui a toujours résisté aux prétentions sionistes, mais de faire plaisir à ses nouveaux amis des monarchies du Golfe acharnés à empêcher le projet de gazoduc soutenu par l’Iran, l’Irak et la Russie, qui devrait déboucher dans le port syrien de Tartous et contrarie sérieusement leur statut de gendarmes pétroliers de la région. Triste conjonction donc d’intérêts mesquins derrière un projet d’agression habillé de soucis humanitaristes.