Le trafic d’organes

Colette Moulaert
3 avril 2011

Le trafic d'organes est l'exercice illégal du commerce d’organes, il comprend le prélèvement, la conservation ou l'utilisation d'un organe ou d'un tissu humain. Devons-nous nous étonner de le découvrir au Kosovo ?

Je me suis intéressée à ce commerce morbide et criminel quand mon frère a dû prouver, six ans après l’avoir adoptée, que notre nièce âgée de 7 ans était toujours en vie ; des enfants de son orphelinat du Guatemala, partis aux Etats-Unis, avaient disparu : dépecés pour fournir différents organes à de riches Américains.

Ces actes criminels ne sont qu’une des facettes de notre système mondial où tout se monnaie ; dès le début des premières greffes, des organes ont été prélevés dans des situations douteuses provoquant la mort du donneur (première greffe cardiaque en Israël, par exemple).

Ce commerce est souvent exercé par des réseaux mafieux, au regard des difficultés à se procurer des organes et des risques encourus pénalement. La mafia s’est emparée de ce trafic juteux en organisant le tourisme médical dans des pays pauvres, où des gens sont prêts à vendre un rein pour une bouchée de pain. Les donneurs ne reçoivent qu’une infime partie (moins d’un dixième, voire d’un pour-cent) du prix de la revente.

A l'échelle de la planète, le trafic d'organes n'est pas un problème nouveau. Dans les années 1980, des experts ont commencé à remarquer une pratique baptisée par la suite "tourisme de transplantation": de riches Asiatiques se rendaient en Inde et dans d'autres régions du Sud-est asiatique pour obtenir des organes de donneurs pauvres. Depuis, d'autres destinations ont vu le jour, telles que le Brésil et les Philippines. Selon certaines allégations, la Chine ferait commerce d’organes prélevés sur des détenus exécutés. La vente d'organes se poursuit en Inde, malgré des nouvelles lois qui rendent cette pratique illégale dans la plupart des régions. Si les estimations actuelles suggèrent que le commerce illicite d'organes se maintient à un niveau relativement modeste en Europe, ce problème ne perd rien de sa gravité, car il est très probable qu'avec les nouveaux progrès de la médecine, le décalage entre l'offre et la demande d'organes continuera de se creuser.

En Europe, le trafic d’organes est interdit, les chirurgiens ne peuvent greffer un organe qui aurait été acheté ; en Belgique, le don et la réception d’organes font l’objet de contrôles très stricts, mais cela n’empêche pas certains patients peu scrupuleux de voyager et de revenir avec un nouveau rein sans se poser trop de questions.

Techniquement, le prélèvement d’organe n’est pas très compliqué : il suffit d’avoir une connaissance sommaire de l’anatomie, d’avoir un local propre, des instruments stériles, un frigo box et un moyen de transport rapide vers un hôpital complet qui puisse endormir et opérer le receveur. Cette facilité ouvre la porte à des situations sordides dans les pays qui connaissent des zones de non droit comme les pays en guerre.

Conséquence de la guerre en Irak et de la détérioration de la situation sanitaire, un trafic d’organes, notamment de reins, au profit d'Irakiens fortunés, s'est développé, ainsi que le tourisme de transplantation. Selon une enquête de la chaîne de télévision qatarie, Al Jazeera, appuyée par des témoignages, un rein se négocie, avec des intermédiaires stationnés à l’extérieur de l’hôpital, à environ 15 000 dollars.

La même situation se retrouve en Palestine, des prisonniers palestiniens décédés en prison (dans quelles conditions !) sont rendus à leur famille avec des cicatrices d’autopsie cachant des prélèvements. Le scandale du trafic du Kosovo n’est qu’une illustration de plus de ce qui sévit sur l’ensemble de la planète et ne doit donc pas nous étonner.

Références

Le documentaire "Trafic d’organes : un rein à tout prix" de Catherine Berthillier. Une enquête sur "la mafia des organes" qui sévit entre la Turquie, la Moldavie et Israël. Un marché parallèle s’est développé pour proposer un donneur volontaire ou non, avec la complicité de chirurgiens qui opèrent pour 140 000 euros.

40 years after Israel's first transplant, donor's family says his heart was stolen, Haaretz, 15/12/08

U.S. Professor: I told FBI about kidney trafficking 7 years ago, Haaretz, 26/07/09