La politique militariste et impérialiste de l’OTAN et de l’Union Européenne

Pierre Piérart
24 mars 2009

Le 15 juin 1945 la guerre en Europe est terminée et Truman arrive en Allemagne par bateau pour ouvrir la conférence de Potsdam au palais du Kronprinz. La conférence s’ouvre le 17 juin et devrait se terminer le 2 août. Le 21 juillet Truman reçoit un rapport détaillé du général Groves : l’essai de la première bombe atomique a pleinement réussi à Alamogordo. Dès ce moment l’attitude du nouveau président américain qui a succédé à Roosevelt, mort le 12 avril, se modifie radicalement. Comme ancien vice-président de Roosevelt il en avait suivi la politique, avec la bombe à sa disposition il durcit sa position et décide de mettre un terme à la conférence dès le 24 juillet. Lors d’un aparté il annonce à Staline que les Etats-Unis ont mis au point une arme destructrice très puissante. Staline lui souhaite d’en faire un bon usage.

En 1946 Churchill, qui a perdu son poste de Premier ministre, est fort déprimé et profite d’un voyage à Fulton, dans le Missouri, pour prononcer un discours au Westminster college. Il s’y défoule en accusant l’Union Soviétique d’avoir établi un rideau de fer de Stettin à Trieste. Ce discours connaît un grand succès auprès des Américains venus en masse dans cette petite ville de 10.000 habitants, pour l’écouter. Quelques jours plus tard, le 12 mars, Truman reprendra les mêmes idées dans un discours antisoviétique au cours duquel il rejettera le plan Baruch qui proposait une mondialisation de l’énergie atomique. Le 28 septembre 1948, devant l’Assemblée générale des Nations Unies, Paul Henri Spaak prononcera son fameux discours « Nous avons peur » dans lequel il critiquera violemment la politique soviétique exprimée par le représentant de l’URSS, A.Vichinsky.

L’Alliance atlantique trouve son origine dans les trois discours cités ci-dessus. Le Traité de l’Atlantique Nord fut signé à Washington le 4 avril 1949 mais il avait été précédé par le Traité de Bruxelles, signé le 17 mars 1948 par la France, le Royaume-Uni, le Luxembourg, la Belgique et les Pays-Bas.

Rappelons que dès 1945-46 les services secrets américains et anglais avait déjà mis sur pied un réseau Stay-behind appelé aussi Gladio qui consistait à préparer la résistance contre une occupation de l’Armée rouge en Europe occidentale en semant la terreur dans divers pays. Ce réseau se manifesta notamment en Belgique dans les années 80 avec les tueries du Brabant et l’attaque de casernes comme celle de Vielsalm. C’est l’époque où les mouvements pacifistes manifestent contre l’installation des missiles Perching et Cruise à Florennes.

L’OTAN, créée en 1949, comme mentionné ci-dessus, est une organisation exclusivement défensive. Le Traité de Washington du 4 avril 1949 fut signé par 12 états : Etats-Unis et Canada d’une part et 10 états européens : la Belgique, le Danemark, la France, l’Islande, l’Italie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal et le Royaume-Uni. Aux 12 états fondateurs sont venus s’ajouter la Grèce et la Turquie, en 1952, l’Allemagne fédérale, en 1954, l’Espagne, en 1982 et enfin la Pologne, la Hongrie et la République Tchèque en 1999. C’est en 1950, avec le déclenchement de la guerre de Corée, que l’Alliance va se doter d’une structure politique et militaire permanente, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord ou OTAN instituée par la Convention d’Ottawa du 20 septembre 1951. En 1955, suite à l’entrée de l’Allemagne Fédérale dans l’Alliance, l’Union Soviétique riposte en créant le Pacte de Varsovie qui regroupe l’Albanie, la RDA, la Bulgarie, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie et la Tchécoslovaquie. Le Pacte fut dissous en 1991 avec la disparition de l’URSS dont les Républiques, devenues indépendantes, créent la Communauté d’Etats indépendants (CEI).

La guerre froide, qui a sévi pendant près de 50 ans, n’a été qu’un malentendu entre les deux grandes puissances qui ont émergé à la fin de la 2ème guerre mondiale, les Etats-Unis et l’URSS. Comme le dit Rik Colsaet : l’URSS s’opposant à une extension du capitalisme en Europe avec le plan Marshall et les Etats-Unis et les Européens de l’Ouest à une invasion de l’Armée rouge. Il est intéressant de rappeler que la Belgique et la Pologne ont joué un rôle assez important entre 1963 et 1968 grâce à Pierre Harmel et Adam Rapacki qui souhaitaient la création d’une zone dénucléarisée en Europe centrale. Ce plan a connu un succès réel en juin 1968, à Reykjavik, quand le Conseil de l’OTAN a invité pour la première fois le Pacte de Varsovie à négocier une réduction des forces en Europe. Il semblait aboutir quand , en août 1968, les troupes du Pacte de Varsovie envahirent la Tchécoslovaquie et ce projet fut naturellement abandonné sans pour cela décourager ses promoteurs. Pierre Harmel poursuivit cette politique avec l’Ostpolitik de Willy Brandt, avec qui il entretenait d’excellentes relations qui furent renforcées avec la victoire électorale de ce dernier en 1969.

Lors de la réunification de l’Allemagne en 1990 les 4 occupants + 2 (soit Etats-Unis, Grande-Bretagne, France et Russie et les deux Allemagnes) avaient implicitement admis que cette réunification ne provoquerait pas la militarisation de l’ex-RDA et, à fortiori, l’installation de bases de l’OTAN dans les pays de l’Est.

Si au début des années 90 la situation s’est améliorée, elle s’est dégradée avec le démantèlement programmé de la Yougoslavie. Devant l’indécision de l’Europe face à ce drame, les Etats-Unis en ont profité pour intervenir et pour finalement déclencher l’opération de l’OTAN contre la Serbie. Washington exigeait que Belgrade signe les accords inacceptables de Rambouillet qui stipulaient que la Serbie devrait être occupée militairement et dans sa totalité par les troupes de l’OTAN. Les 79 jours de bombardements en Serbie causèrent une catastrophe incroyable tant pour la population que pour l’environnement et, comme le dit Franz Weber, « nous l’avons laissée commettre chaque jour, chaque nuit, chaque heure sans réagir, sans protestations, sans crier halte ! ». Cinq cents millions d’Occidentaux, dotés d’un armement d’une puissance inouïe et dont l’emploi est contraire aux conventions de Genève, s’attaquent à onze millions de Serbes déjà sanctionnés par un embargo international. Ponts, écoles, hôpitaux, usines chimiques, raffineries de pétrole, stations de radiotélévision sont détruites. L’ambassade de Chine est attaquée avec trois bombes guidées au laser qui tuent plusieurs diplomates. Toutes sortes de nouvelles armes sont utilisées, des bombes à graphite, à uranium appauvri et à sous-munitions. Enfin la province du Kosovo est mise sous tutelle internationale. Les troupes de l’OTAN restent impassibles devant la destruction de 107 églises orthodoxes dont plusieurs datent de l’époque médiévale ! Les musulmans albanais prévoient d’y construire 50 mosquées. Les Kosovars, sous la protection des troupes de la Kfor, ont dérobé ou profané plus de 10.000 icones et brûlé des dizaines de milliers de livres, véritable autodafé qui rappelle celui des nazis.

Au cours des dernières années cette politique impérialiste de l’OTAN a pris des proportions gigantesques. Elle consiste à imposer un capitalisme de plus en plus insupportable à l’Union Européenne dont les responsables sont complices. L’Union Européenne ne peut s’étendre que là où l’OTAN existe déjà et la Russie n’en fait pas partie. L’OTAN a mis au point le partenariat pour la paix (PPP) qui consiste à faire collaborer des pays non membres à ses interventions militaires. Même des pays comme la Finlande, la Suède, l’Autriche et l’Irlande en font partie.

Aujourd’hui l’OTAN déploie de plus en plus de troupes en Afghanistan sous l’impulsion d’Obama. Malgré les atermoiements d’Hillary Clinton le projet d’installation de radars antimissiles en Tchéquie et de missiles antimissiles en Pologne s’est maintenu. Le Parlement tchèque a refusé de ratifier l’accord signé par le gouvernement et ce dernier attend un moment favorable pour le remettre sur la table. La France, ou plutôt son Premier Consul Sarkozy, a décidé son retour au sein du commandement intégré de l’OTAN et le président Obama a fort apprécié cette décision. Le général de Gaulle, qui ne se faisait aucune illusion à ce sujet, doit se retourner dans sa tombe. De nombreux députés français n’ont pas cautionné cet ukase. L’Alliance atlantique qui doit fêter son 60ème anniversaire entre le 2 et le 5 avril à Strasbourg et à Kehl se prépare à renforcer sa stratégie impérialiste et à réclamer de ses membres une contribution de plus en plus importante à la guerre en Afghanistan. Notre Premier ministre Herman Van Rompuy a déclaré ce samedi 21 mars que la Belgique était prête à participer à ce projet et son ministre de la Défense, Pieter De Crem a annoncé qu’on enverra un contingent supplémentaire d’ une centaine d’hommes et des nouveaux F-16 pour la guerre contre les talibans. De plus le recrutement de troupes pour l’Afghanistan semble poser des problèmes. Après 4 mois de séjour dans cet enfer, les soldats ont vu assez d’horreurs et ne souhaitent que le retour en Belgique. Le ministre de la Défense a créé un service militaire volontaire de 17 mois en vue de former des nouveaux miliciens, destinés à des opérations humanitaires hors Europe.

On ne peut que déplorer cette attitude lamentable de notre gouvernement qui profite de cette journée de protestation contre l’OTAN du 21 mars (qui a réuni plus de 1.000 manifestants avec plus de 400 arrestations administratives) pour prendre de telles décisions sans même un débat politique sur la question. L’attitude de la Belgique qui contribue à la politique militariste de l’OTAN et de l’Union Européenne, devient insupportable et nous fait regretter la diplomatie de l’ancien ministre Pierre Harmel