Prizren dévastée


20 août 2004

Apres avoir vu le marché hebdomadaire de Dragas, où se côtoient Albanais et Goranci, mais également quelques commerçants roms venus de Prizren, nous nous rendons dans cette ville gravement touchée par les émeutes de mars.

Ce qui fut une des plus belles villes de toute l'ex-Yougoslavie ressemble maintenant à Mostar à la fin de la guerre de Bosnie. Si les splendides mosquées de l'ère ottomane sont intactes, le vieux quartier serbe à flanc de colline, ainsi que les églises médiévales orthodoxes, ont été réduits à l'état de ruines en mars dernier. Les derniers Serbes, réfugiés dans l'école de théologie totalement détruite lors des événements, ont quitté la ville à ce moment. Les autres minorités - Turcs, Goranci, Roms - sont un peu plus tolérées par les extrémistes albanais. Mais les inscriptions en turc, langue officielle dans la région jusqu'en 1999, ont à peu près toutes disparu. Un glacier goran est encore sous le choc des émeutes du printemps. Mais il n'a d'autre choix que de se taire s'il ne veut pas être éliminé.

Nous prenons ensuite la route d'Orahovac, dont le haut de la ville sert de refuge à la minorité serbe, puis du village de Velika Hoca, à 3 km de là. Nous y sommes chaleureusement accueillis par le pope Milenko et par deux responsables civils de la communauté serbe vivant dans les deux localités, Ljubisa Djuricic et Dejan Baljosevic.

Velika Hoca était au Moyen-Age une ville importante, un centre commercial et religieux. La région reste connue pour sa production de vin et pour les 13 petites églises médiévales parsemées dans et autour du village, qui ne compte maintenant que 700 habitants, dont 2 familles roms, pour 1.200 en 1999. Le pope nous montre les pressoirs à raisins et les tonneaux de vin de son église et les trésors accumules dans son presbytère, notamment des débris de fresques et d'icônes trouvés dans des monastères des alentours détruits par l'UCK ou ceux qui s'en réclament.

Si la sécurité - renforcée par la KFOR depuis mars - est meilleure à Velika Hoca qu'à Orahovac, la liberté de mouvement y est strictement limitée, les paysans n'osant pas cultiver la plus grande partie de leurs champs ou vignes par crainte être attaques par des Albanais. La plupart des gens survivent grâce à des allocations ou pensions fournies par l'administration de l'ONU ou par Belgrade et les possibilités d'emploi sont à peu près inexistantes. Un bus relie deux fois par jour le village à Orahovac et, plus épisodiquement, des convois sous escorte sont organisés vers d'autres enclaves serbes.