Ceux d'en haut


19 août 2004

Les Goranci, littéralement "ceux d'en haut", vivent depuis des siècles dans les montagnes de l'extrême sud du Kosovo, entre l'Albanie et la Macédoine. Depuis 1999, leur exode s'est accéléré et ils se retrouvent maintenant en minorité dans leur foyer de la Gora. Si Dragas compte des membres des deux communautés, les villages au nord de la petite ville sont habites par des Albanais et ceux au sud, souvent dépeuplés, par des Goranci. Bien que la langue goran ou même le serbe soient souvent entendus dans les rues de Dragas, les inscriptions, même officielles, sont presque toujours uniquement en albanais.

Dans le petit village de Mlika, nous rencontrons Rustem Ibisi, représentant au parlement de Pristina de l'Initiative citoyenne goran (GIG). Selon une estimation de l'OSCE de l'an passe, la commune de Dragas ne compterait plus que 6 à 7.000 Goranci, contre 18.500 avant la guerre. Actuellement, la plus grande concentration de Goranci est à Belgrade, qui en compterait près de 20.000. Depuis ce que Rustem appelle "l invasion albanaise" de 1999, 11 Goranci ont été tués par des extrémistes et 49 maisons ou commerces ont subi des attaques à l'explosif. Il dénonce en particulier le comportement de la KFOR allemande qui a toléré le nettoyage ethnique entrepris par l'UCK. Son remplacement, quelques mois plus tard, par des unités turques a sans aucun doute sauvé les Goranci et ramené un peu d'ordre dans la région. Lors des pogroms de mars, les soldats turcs ont étouffé dans l'oeuf la tentative de certains Albanais de s'en prendre aux Goranci.

Si depuis deux ans les Goranci n'ont plus subi d'attaque armée, leur exode se poursuit lentement, principalement motive par l'absence d'emplois et de perspectives économiques. La plupart des commerces sont aux mains d'Albanais, parfois installes dans des locaux usurpés à leurs propriétaires goran. Deux usines textiles fonctionnaient à Dragas jusqu'en 1999 : la première a été détruite par les bombardements de l'OTAN et la seconde a été fermée par les nouveaux occupants.

Mais un autre danger menaçant le peuple goran est la tentative d'assimilation qu'ils subissent, non des Albanais, mais des Bosnjaci, nouveau nom des Musulmans bosniaques. Le SDA, au pouvoir en Bosnie-Herzégovine, multiplie les pressions pour que les Goranci se déclarent Bosnjaci et optent pour l'enseignement en bosniaque plutôt qu'en serbe (langues qui sont l'une et l'autre des variantes de la même langue serbo-croate). Un accord unirait probablement les leaders de Sarajevo et de Pristina à ce sujet et ferait partie, selon Rustem, du plan de "transversale verte" visant à créer un territoire musulman compact de la Turquie au nord de la Bosnie. Nous passons la soirée dans le petit village de Lestane, où se déroule un concert de musique goran marquant le début des festivités d'un mariage. Cela nous donne l'occasion de découvrir la richesse culturelle de ce peuple, sa musique, ses danses et les merveilleux costumes de ses femmes (voir les photos).