9 Questions sur la Déclaration de Coopération entre les secrétariats de l'ONU et de l'OTAN
Transnational Foundation for Peace and Future Research
3 décembre 2008

Les Nations Unies la considèrent comme secrète et, par conséquent, elle n'a pas été publiée sur sa page d'accueil, l'OTAN est heureuse de vous en donner une copie à la demande; les gouvernements membres de l'OTAN la connaissent; les principaux médias occidentaux l'ont à peine mentionné. Il s'agit de la Déclaration Commune sur la Coopération entre Secrétariats ONU / OTAN ["Joint Declaration on UN/NATO Secretariat Cooperation"] qui a été signée par les Secrétaires généraux de l'ONU et de l'OTAN en septembre de cette année

Pour dire le moins, cette Déclaration aurait dû soulever quelques sourcils. En fait, il aurait du être impossible pour SG Ban Ki-Moon, de signer un tel document avec toute alliance militaire, et encore moins de le faire sans le consentement des États membres des Nations Unies.

Nous jugeons qu'il est grand temps de stimuler un débat public sur la coopération ONU-OTAN. Franchement, il devrait avoir déjà commencé quand, en janvier 2007, Ban Ki-Moon, a visité l'OTAN et a déclaré que: "Je suis très bien assuré et encouragé par ce en quoi l'OTAN a contribué à la paix et la sécurité dans le monde [...]. Nous avons les mêmes objectifs, nous nous sommes engagés à travailler très étroitement ensemble à l'avenir". (Source: www.nato.int/docu/update/2007/01-january/e0124a.html)

Le préambule de la Charte des Nations Unies stipule que la guerre sera abolie. Plus précisément, l'article 1 stipule que la paix doit être portée par des moyens pacifiques. Il est à craindre que le Secrétaire général des Nations unies qui croit que l'ONU et l'OTAN "ont les mêmes objectifs" ne soit pas en mesure d'exercer son rôle de défenseur de la Charte.

[...]Nous - le Conseil d'administration de la "Fondation transnationale" - soulevons neuf questions de fond qui reflètent notre profonde préoccupation sur les chemins que prend de l'ONU en ce moment de l'histoire où, plus que jamais, l'objectif d'un désarmement général et complet et de l'abolition des armes atomiques devrait avoir la plus haute priorité.

1. Selon l'article 100 de la Charte des Nations Unies, le Secrétaire général des Nations Unies est le gardien de l'intégrité de l'ONU. Il ou elle ne devrait recevoir aucune instruction d'aucun État ou d'aucune autorité mais servir uniquement les Nations Unies.
Q: Est-ce que cet accord augmente les opportunités du Secrétaire Général à agir dans cette voie et renforce-t-il la crédibilité de cette disposition dans l'avenir?

2. L'OTAN est une alliance basée sur l'armement nucléaire, et qui se réserve le droit d'utiliser l'arme atomique comme première réponse, même contre une attaque conventionnelle.
Q: Est-ce que le choix de l'OTAN est compatible avec l'article 1 de la Charte qui stipule que la paix doit être porté par des moyens pacifiques? Pourquoi d'autres organisations régionales qui travaillent effectivement avec des moyens civils - telles que l'OSCE ou l'Organisation de coopération de Shanghai (SCO) - ne se sont pas vu offrir un statut de coopération similaire?

3. L'Accord de Washington de 1999 de l'OTAN s'aligne étroitement sur la Charte des Nations Unies. Toutefois, il ne fait plus référence à l'autorité suprême du Conseil de sécurité ; au lieu de cela il apporte dans les compétences de l'OTAN le droit d'intervenir face à ce que l'OTAN appelle les nouveaux risques tels que "l'environnement", "l'insuffisance des réformes", "des déplacements incontrôlables d'un grand nombre de personnes" et, plus significativement, "l'interruption de ressources vitales".
Ainsi, on peut se demander si l'OTAN adhère encore à son propre article 1 qui reconnaît la suprématie de l'article 51 de la Charte des Nations Unies sur le droit des États membres à la légitime défense.
La liste et les formulations des domaines dans lesquels la coopération ONU-OTAN peut prendre place selon cette Déclaration ONU-OTAN, sont très vastes et générales. Cela devrait être considéré à la lumière des rôles de plus en plus étendus qu'apparemment l'OTAN juge légitime pour lui-même.
Q: Étant donné le statut spécial que l'OTAN acquiert maintenant par cet Accord, quelle est la probabilité pour que le Secrétaire Général des Nations unies et le Conseil de sécurité - où 3 des 5 sièges permanents sont occupés par des membres de l'OTAN :
a) soit en mesure de faire respecter la nécessaire distinction entre les actions de l'OTAN et les actions de l'ONU?
b) soulève la question d'éventuelles violations futures du droit international par l'OTAN? et
c) soit capable, en tant que membres des Nations unies, de travailler de manière crédible pour le désarmement général et l'abolition de l'arme nucléaire?
4: Les deux Secrétaires Généraux de l'ONU et de l'OTAN semblent signer en tant que partenaires de même rang. Le libellé de l'accord est tel que l'OTAN serait libre de prendre des mesures comme il le souhaite, voire même d'adopter des mesures de guerre d'agression. Les déclarations faites lors la récente conférence de l'OTAN de Munich semblent le confirmer.
Q: L'OTAN doit être tenu responsable envers la Charte des Nations Unies et d'autres normes du droit international. Est-ce que cette Déclaration rend cela bien clair? Envers qui l'OTAN devra t'il rendre des comptes?

5. L'OTAN a bombardé la Serbie/Kosovo en 1999 de l'ONU sans mandat du Conseil de sécurité.
Q: Indépendamment de l'opinion que l'on peut avoir sur cette action et compte tenu de cette déficience dans le respect du droit international et de la Charte des Nations Unies par ses membres principaux, l'OTAN est-elle une organisation bien appropriée pour être récompensée par l'ONU avec un tel statut spécial?

6. Il est mentionné que l'Accord OTAN-ONU prend ses racines dans les actions menées pendant les guerres en Bosnie-Herzégovine. Toutefois, si cette crise a démontré quelque chose, c'est que le maintien de la paix et l'imposition de la paix ne peuvent pas être mélangées, et que les États membres des Nations unies ont donné aux Nations unies bien trop peu de moyens pour que leur mandat puisse être couronné de succès.
Q: Est-ce que cet Accord signale que les membres de l'ONU et l'OTAN considèrent la façon dont on a agit en Bosnie comme un modèle et qu'ils continueront avec le même mélange des rôles et la même répartition déséquilibrée des ressources?

7. Les pays de l'OTAN sont engagés, ces tout derniers mois, dans diverses questions très délicates - délicates même parmi les membres du Conseil de Sécurité - telles que la crise de la Géorgie, les bases de défense contre les missiles balistiques en Pologne et en République tchèque, l'expansion supplémentaire de l'OTAN (à la Géorgie et l'Ukraine) et l'intensification des problèmes en Afghanistan, où les deux organisations sont impliqués.
Q: La signature du Secrétaire Général de l'ONU est-elle un exemple de bon timing et va-t-il, à la lumière de ce qui précède, soumettre maintenant la Déclaration au Conseil de Sécurité pour examen et approbation?

8. Les Nations Unies comptent 192 membres. L'OTAN a 26 États membres, mais elle représente plus de 70% des dépenses militaires mondiales.
Q: Est-ce que le Secrétaire Général s'attend à ce que la majorité des États membres de l'ONU soutienne cet Accord entre les secrétariats des Nations Unies et d'une alliance militaire?

9. L'esprit de l'ONU est supposé être le dialogue, la consultation mondiale et le bien commun de l'humanité. Pourtant, cet Accord a été gardé secret et non affiché sur la page d'accueil de l'ONU.
Q: Cet Accord lui-même, et la manière dont il a été conclu entre deux individus, est-ce que cela ne risque pas de donner au monde l'impression que ce siège des Nations Unies est maintenant un lieu pour des transactions maintenues dans l'obscurité et, ainsi, saper davantage les espoirs partagés par les citoyens autour du monde entier pour la démocratie et la transparence?