Alerte Otan n° 36 - Décembre 2009
La conférence de Copenhague sur le climat

L’Otan mis à l’honneur, les gouvernements de l’ALBA mis au rancart !

Anders Fogh Rasmussen, nouveau secrétaire général de l’Otan, participait au sommet de Copenhague sur le climat. Il a rencontré différents chefs d’Etat et tenu une conférence de presse dans laquelle il présentait la capacité militaire de l'OTAN comme la meilleure des organisations humanitaires pour faire face aux catastrophes naturelles! (voir site www.nato.int – communiqué 22.12.2009)

Par contre, les chefs de gouvernements des pays de l’ALBA (Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique) avaient réuni les journalistes pour exprimer leur point de vue – « ce n’est pas le climat qu’il faut changer, c’est le capitalisme ». Ils dénonçaient en particulier le choix du président Obama de préparer la « déclaration finale » avec un petit groupe de pays, sélectionné par lui-même. Au bout d’un quart d’heure, ils ont été menacés d’expulsion de la salle où ils tenaient la conférence de presse !

Ces faits, parmi beaucoup d’autres, mettent en évidence les doubles discours des dirigeants occidentaux : l’Otan a déployé tranquillement ses arguments mensongers, tandis que les chefs d’Etat qui dénonçaient les réels enjeux de cette conférence sur le climat, se faisaient réprimer.

En effet, l’Otan s’intéresse aux changements climatiques pour des raisons tout autres que celles présentées par son secrétaire général à Copenhague : le réchauffement climatique rend accessibles d'énormes ressources en gaz et en pétrole dans la région de l'Arctique. L'Otan veut mettre la main dessus. Sur les 5 pays qui  bordent l'Arctique, 4 sont membres de l'Otan. Les conflits de frontières se développent contre la Russie, qui est le 5ème.

Nous rappelons les articles de Alerte Otan sur ce thème (Alerte Otan n° 34 ) et reproduisons ci-dessous une article de Frédéric Delorca (Atlas Alternatif)

L'OTAN à la conquête de l'Arctique

L'establishment canadien a récemment haussé le ton contre la Russie. Le 1er août, le ministre de la Défense Peter MacKay a été paraphrasé comme « avertissant la Russie que les chasseurs Canuck décolleront pour accueillir tout appareil non autorisé ». Pourtant aucun avion russe n'a récemment violé l'espace aérien canadien. Ces déclarations s'inscrivent dans le cadre d'un regain d'activité de l'OTAN dans la zone. La Norvège a récemment déménagé son quartier général de commandement opérationnel dans le Cercle Arctique et le Danemark a annoncé des plans visant à établir un Commandement Arctique tous services, une force de réaction arctique et un renforcement militaire à la base aérienne de Thulé au Groenland, à partager avec ses alliés de l'OTAN. La Grande-Bretagne, la Finlande et la Suède s'impliquent elles aussi de plus en plus. L'année dernière la Norvège a acheté 48 chasseurs Lockheed F-35 « en raison de leur aptitude à des  patrouilles dans l'Arctique ». En mars, ce pays a effectué un très important exercice de pratique militaire de l'Arctique impliquant 7 000 soldats de 13 pays dans lequel un pays fictif appelé Northland s'est emparé des plateformes pétrolières offshore.

Les 28-29 janvier derniers le secrétaire général de l'OTAN avait annoncé la couleur : « Le Grand Nord va nécessiter encore plus d'attention de la part de l'Alliance dans les années à venir. » Comme la calotte glaciaire diminue, la possibilité augmente d'extraction des richesses  en minéraux et des gisements énergétiques du Grand Nord.

« A notre sommet de Bucarest de l'an dernier, nous avons convenu de quelques principes directeurs pour le rôle de l'OTAN dans la sécurité de l'énergie.... », rapporte le Directeur de « Stop NATO international » Rick Rozoff. La zone arctique recèlerait un quart des ressources pétrolières mondiales.

L'implication de l'OTAN dans le cercle polaire ne va pas sans rivalité entre ses membres, les USA s'arrogeant notamment une exclusivité d'accès à l'Arctique par le détroit de Béring au détriment d'une partie des eaux territoriales canadiennes.

Le lieutenant général Dana Atkins, commandant de l' US Air Force,  a souligné mi-juillet que « l'Arctique deviendra de plus en plus important stratégiquement  dans l'avenir, non seulement en raison de la valeur estimée à des trillions de dollars de pétrole et de gaz naturel inexploités sous sa surface, mais aussi en raison des occasions croissantes pour des expéditions maritimes dans la zone », ce qui pourrait permettre « à un navire de voyager  de l'Asie à l'Europe pour diminuer de moitié ses frais en passant par cet itinéraire plutôt que via le canal de Panama ». Au même moment le Pentagone a tenu ses manœuvres de guerre Northern Edge  (bordure nordique) en Alaska, situé entre la Russie et le Canada et à l'intérieur d'une bonne partie du Cercle Arctique, avec plus de 9 000 soldats, des navires et des avions de guerre. L'Air Force, la Navy, l'Armée, le Corps des Marines et le personnel de la Garde Côtière y ont pris part avec des avions en combat aérien simulé.

La Russie, qui est la seule nation dans le monde à avoir une triade nucléaire - bombardiers stratégiques, missiles balistiques terrestres à longue portée et missiles balistiques lancés par sous-marins - capables de se défendre contre une première attaque nucléaire venant des États-Unis et leurs alliés, a répliqué en organisant des exercices à grande échelle de sous-marins nucléaires sous la calotte glacière arctique, exercices qui comprenaient le déploiement de plusieurs sous-marins nucléaires d'attaque ... dans la zone de lancement pour assurer la sécurité à … deux  sous-marins stratégiques lançant des missiles balistiques et qui ont aidé ces derniers à  éviter d'être détectés par les défenses US. Les  Etats-Unis et leur alliés s'efforcent d'anéantir cette dernière possibilité de défense russe en déployant des missiles intercepteurs et des bases de radar en République tchèque, en Pologne, en Norvège, en Grande-Bretagne, en Alaska (y compris les îles Aléoutiennes), au Japon, en Australie et partout ailleurs où cela pourrait rendre inutiles la dissuasion nucléaire et les capacités de représailles russes - et chinoises - et par conséquent préparer le terrain pour le lancement d'une première frappe nucléaire qui serait lancée avec une impunité présumée.

Comme l'explique Rick Rozoff « Le Cercle arctique est l'endroit où la Russie est en train de concentrer sa dernière ligne de défense contre une telle menace. Si les États-Unis et l'OTAN, utilisant le Canada comme leur avant-garde, affrontent et expulsent la Russie de l'Arctique, la possibilité d'un chantage nucléaire et d'attaques non-provoquées augmente de façon exponentielle. » Rozoff soupçonne le vice-président d'Obama, John Biden, un fervent partisan des "révolutions colorées" à l'Est, d'être un adepte des thèses de l'ancien conseiller de Carter et Clinton, Zbigniew Brzezinski, qui souhaitait faire éclater la Russie. Dans ce dispositif, le Canada pourrait jouer un rôle analogue à celui de la Géorgie dans le Caucase : celui de l'agent provocateur "victime" de la réaction d'autodéfense russe que l'on pourrait ainsi instrumentaliser pour évincer la Russie de l'Arctique.

Frédéric Delorca – août 2009